• ZOOParc

    http://www.youtube.com/watch?v=6Vt0ecX1lNU 

     

    L'an 1951...

     - Chers Camarades, nous sommes réunis aujourd'hui pour voter la création d'un nouveau jardin zoologique... disait un lion lors d'une assemblée des municipalités conjointes de Katowice et Chorzów.

    - Cherrrs Camarrrades, nous sommes rrréunis aujourrrd'hui pourrr voter la création d'un nouveau jarrrdin zoologique... répéta une grenouille, imperturbable.

    - Chers Camarades, nous sommes réunis ici parce qu'il faudra savoir que... continua le lion légèrement irrité.

    - Chers Camarrrades, nous sommes rrréunis ici parrrce qu'il faudrrra savoirrr que... ânonna en coassant la grenouille.

    - Hé, toi ! Le gu-gusse vert aux yeux globuleux ! Dehors !

    La grenouille se retourna :

    - Et alors, mon crocodile ? Tu n'as pas entendu ce que le Chef vient de dire ?

    - Demain nous construirons ici un zoo parc... poursuivit le lion de Katowice, le Général Jerzy Zietek...

    - Et qu'est-ce qu'on fera après demain ? s'inquiétèrent d'or et déjà le vieux pélican à l'aile lourde et le jeune albatros ailé, - activistes et observateurs comms zélés de Chorzów et Bytom...

    - Un parc gigantesque situé entre nos deux villes qui portera, bien sûr mon nom ! clôtura modestement, gén.  Jerzy Zietek.

    Et il était temps...

     Après la guerre, lorsque 300 usines différentes de l'industrie lourde se sont mises à « vomir » leur poussière polluante, - à Katowice : 92 tonnes par kilomètre carré et par an, et 350 tonnes à Chorzow et Bytom (les villes avoisinantes) - l'assemblée générale de l'administration de la ville de Katowice  avait décidé d'aménager un terrain vaguement intéressant, et surtout vague de 300 ha, en un immense « poumon vert » cernant Górnośląski Okręg Przemysłowy - la Région Industrielle de la Haute Silésie.

    Ce terrain, situé « à cheval » sur Katowice et Chorzów et richement boisé par de nombreux bénévoles, était destiné à filtrer et assainir efficacement l'air pollué.

    Encore aujourd'hui ces deux villes se le disputent...

    Ils l'avaient baptisé Wojewódzki Park Kultury i Wypoczynku (Parc de la Culture et des Loisirs de la Voïévodie. La voïévodie faisait l'affaire sinon chacun disait respectivement de Katowice ou de Chorzów...).

    C'était là où les travailleurs éreintés passaient leur temps libre en s'empiffrant gaiement de boudins noirs avariés, de cornichons en saumure - mous comme des pantoufles, de saucisses grillées (parfois cramées sur le feu vif d'un morceau de porte à multiples couches de vernis) à la moutarde, « musztarda stołowa » (de table) et, en dégustant en quantité raisonnable le « piwo » local("piwo" étant du genre neutre).

    La « raison » de cette consommation modérée était fréquemment rappelée sur un carton facilement repérable de loin : « piwa nie ma ! » (plus de bière...).

    Le Parc incluait 50 ha de jardin zoologique, jadis  propriété d'un noble, qui certainement honteux de posséder tant de biens pour lui tout seul les avait humblement cédés aux autorités municipales des « deux villes », et à d'autres... de plus en plus insistantes... afin de s'enfuir quelque part près de sa lointaine famille de Hohenzollern.

    Le zoo était rapidement devenu l'endroit rêvé pour voir les différentes espèces d'animaux y hébergés, ainsi que pour quitter cette « raison cartonnée » si mal ressentie en ce qui concernait la consommation de bière, et chercher d'autres débits de cette boisson.

    Les animaux, ravis de trouver enfin une juste place dans ce climat continental, toléraient la foule, qui gagnait leur bonne grâce en échange des reliquats de nourriture restante. 

    Devant les cages, les humains faisaient des grimaces dignes des singes (même ces dernier étaient gênés...).

    Tout était observé, épié, scanné et surtout bruyamment commenté par des visiteurs tartes en grand nombre. Ils me faisaient toujours rire :

    - Oh, ga-garde, pa' un éléphant ! Oooooo ? Mais qu'est-ce que c'eeeeest ? On dirait qu'il a 5 pattes ?

    - Non, mon chéri... disait pa' - C'est sa trompe !

    - Mais non, l'autre pied, celui qui est entre les deux pattes arrières ?

    - Hm, hein, hmmm : c'est une cinquième patte, si tu veux - de secours, peut-être...

    - Eh, ben, c'est comme tonton Zbynio à la plage lorsqu'il voyait maman sortir de l'eau ! Il avait trois jambes...

     Ou encore, devant la cage du renard :

     - Qu'est-ce qui pourrait bien vivre ici.... On ne le voit malheureusement pas... Voyons sa petite fiche : Vulpus vulpus... Hmmm, c'est proche de lupus, donc ce devrait être un canidé de la famille de...

    - Panie ! To jest lis ! (monsieur, c'est un renard), - hurla subitement un „drobny pijaczek" (« menu buveur ») aussi local que la biérasse gobée...

    - Oui, oui, monsieur. Donc, en revenant : c'est peut-être un re-...

    - Psiakrew (textuellement : sang canin), puisque je vous dit que c'est un renard, - visiblement « pijaczek » était en colère. Je viens ici une fois par semaine et je sais, bordel, ce qu'il y a ici !


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  • GOÛTS -TU - PIQUES

    "- Hé, t'as vu ? Un risson !

    - Hé-risson !

    - Hein ?"

     

    Cette petite bête farouche et déterminée s'était trouvée sous notre toit commun.

    Le hérisson, taciturne et somnolant la journée, se transformait la nuit en véritable démon.

    Il passait par ici, il repassait par là...

    Ses petites pattes supportaient merveilleusement bien son paletot lourd de picots.

    Tous les soirs il venait vers mon père, assis devant la télévision, pour s'enrouler entre ses deux pieds posés par terre, sans doute pour regarder le match de Górnik Zabrze ? Noooon !

    Il venait pour Tygrys et je suppose par assimilation d'images.

     - Oh, regardez ! Il a tout de même l'instinct d'un animal de compagnie ! : la reconnaissance ! s'exclamait-il

    - Ben, oui... Avec ta permission, cela est, peut-être, dû  à l'odeur qui se dégage de tes pieds, disais-je de plus en plus faiblement en voyant mon père se hérisser. Mais puisque je me décidait tout de même à continuer : ...en fait, je voulais dire que chacun de nous à une odeur particul...

    - ??? Mais encore ? Ne te gêne surtout pas !

    - ...ier... ou pour une autre raison... balbutiais-je incapable de détourner mon regard de sa coiffure courte « na jeża », (jeż en polonais - hérisson) ou « en brosse », si on veut...

     Et voilà, pensais-je amèrement : le maître et son totem, les deux étaient absolument assortis...

    La première semaine, la bestiole s'enroulait tout le temps, et il était rare d'apercevoir ses petits yeux noirs comme les grains de caviar de la même couleur.

    Parfois, il fallait le réveiller pour pouvoir jouer (?) avec lui. Mais par quel côté s'y prendre ?

    - Ouais, attends qu'il pète un coup et tu verras où se trouve sa tête (suggéra intelligemment mon frère). Les hérissons sont comme ces bagnoles russes, les Żiguli : lorsqu'elles démarrent, c'est par la fumée du pot d'échappement que tu trouves où est le devant ! He, he, he... clôtura-t-il.

    ziguli 2

     

    A part ça, son « châssis » mou et couvert de poils, grouillait de puces forestières, au plus grand désespoir de maman qui essayait lui brosser légèrement son ventre.

    - Mais enfin ! Qu'est-ce qui te prend : arrête donc de chipoter ce hérisson, disait Tygrys - notre autre...

    Et comme tout le monde sait : les hérissons adorent les limaces...

    Sur l'appui de fenêtre de la cuisine, je lui avais même aménagé une  mangeoire en plaçant dans les cœurs de nos laitues de toutes petites limaces « de rien de tout », au début.

    Deux jours plus tard, elles devenaient belles et gluantes.

    Notre hérisson en raffolait, oui... ainsi que papa, et sans s'en rendre compte, en piquant furtivement un beau cœur juteux de la jeune salade...

    Tous les jours, vers 20h, les deux buvaient ensemble leur lait chaud après quoi, un, le diurne, s'enroulait en boule dans sa « wersalka » (clic-clac), alors que l'autre, le nocturne, entamait ses explorations.

    Toup, toup, toup - cavalaient ses petits pieds sur le parquet en chêne de maman. Ça allait encore...

    Bam, bam, bam - disait son petit corps en tombant dans un carton... Bof, ça allait aussi...

    Mais lorsqu'il s'éclatait en courant aller et retour en dessous des radiateurs en fonte, toute la famille en avait marre ! Un véritable virtuose en cymbales... 

     http://www.youtube.com/watch?v=GgLjwuum-SI

    On l'enfermait dans la cuisine.

    Et là... il n'avait rien à y faire...

    Un seul radiateur à trois compartiments...

    Si, si : le lendemain, encore endormis, nous marchions sur ses petits galets verts et liquides, qui sentaient la forêt...

    Quant au « noceur » - il dormait, roulé en boule, dans un sac en tissu destiné à contenir des haricots secs.

    Nous savions que cet animal s'ennuyait chez nous et que cette amitié que nous lui avons imposée n'était pas du tout commode pour qui que se soit.

    Après trois semaines il avait disparu.

    Comment ?

    Tout le monde se le demandait.

    J'étais la seule à en savoir plus et à comprendre cet ami, car hormis la place entre les pieds de mon paternel, il se mettait souvent face à la porte du balcon légèrement entrebâillée pour, à mon avis, contempler avec convoitise les clôtures de barbelés des nombreux jardins du voisinage...  

    barbelé 2

    Appelé par la nature, il avait certainement trouvé son bonheur - son amour, car de telles clôtures, en Pologne, ne manquaient pas...    


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  • UN PÈRE : OK

     

     J'ai  toujours voulu un ami (animal) de compagnie.

    Alors, ce n'était qu'en vacances, à la campagne, que je pouvais enfin « marrainner » quelques animaux de mon entourage proche.

    Ainsi je caressais des petits poulains, les veaux qui me léchaient les doigts, je tâtais les ovins et même des « porcinets » tous roses...

    J'admirais les poules en leur accordant une amitié toute particulière. Elles étaient hiérarchiquement organisées et surtout astucieuses. Malgré leur regard parfois stupide, elles savaient ce qu'elles faisaient à chaque instant de la journée.

    Les jeunes poulets, visiblement, vouaient le plus grand respect aux « matrones expérimentées » en leur laissant les cloportes et les vers de terres le plus dodus...

    Même ces braves « piqueux de pouilles », les coqs, gravitaient respectueusement autour d'elles tout en restant perplexe et en se demandant à longueur de journée, laquelle parmi elles n'aurait pas la migraine afin de l'honorer à l'aise...

    Les gallinacés arrivées à l'âge mur,  vivaient donc heureuses et sexuellement (et autrement) convoitées.

    Lors d'une éclosion en direct, sous mes yeux, un poussin s'était mis dans la tête que j'étais sa mère. Il me suivait partout et ses piaillements chip, chip, chiiiiip -  également.

    Je jouais très bien mon rôle de mère poule. Je lui indiquais les endroits grouillant de bouffe (le tas de compost) où il pouvait facilement se rassasier. Il se piquait des siestes extraordinaires sur mes genoux ankylosés.

    A la fin des vacances il avait pris les formes d'un magnifique jeune poulet, quoi que un peu grassouillet car, physiquement, il se dépensait trop peu.

    Mon entourage tolérait ce « marrainnage », mais pragmatique et constamment affamé, avait tout de même regardé ma filleule d'un œil concupiscant.

    Et le dernier jour de nos vacances, un dimanche noir, on m'en avait crapuleusement servi lors d'un dîner d'adieu, et en rouspétant que le bouillon était trop gras.

    Et moi, la gorge serrée et les yeux brouillés de larmes lorsque je me penchais sur ceux, gras du bouillon, je ne voyais que les yeux de ma « Rudzeńka » (la rousse).

    En allant à l'entraînement de natation à « Pałac Młodzieży » j'aimais traîner au magasin zoologique faisant le coin de la rue Mariacka et Wieczorka.

    Là, tous mes amis potentiels m'attendaient n'étant pas avisés de ce fait. Mon choix était tombé (flop !) sur la « section » des perroquets.

    Personne n'en voulait, et ces chouettes volatiles (non comestibles) restaient déprimées, le bec encastré dans les fils de leurs cages.

    Je voulais un perroquet mais mon père était réticent car (et il avait raison) les oiseaux devaient voler en déployant leurs ailes...

     Et pour me tirer cette idée de la tête, il me racontait :

    « Un soir d'hiver, juste à la fermeture de ce magasin, un type miséreux et en haillons, crasseux et sans abri, y rentra.

     - Bonjour, monsieur. Je vois que vous avez des perroquets dont personne ne veut à cause de leur longue vie... Moi, j'ai toujours rêvé d'avoir un ami, un pote... Un animal de compagnie, quoi... Un pote à moi tout seul... Un, que je puisse chérir... selon mes moyens , certes modestes, mais pour un Ami, vous savez, je suis prêt à n'importe quel sacrifice !

    - Effectivement ! Nous aurons certainement quelques chose pour vous : oh, celui-ci coûte 3000 zl, il est cher, mais il parle cinq longues...

    - Non, non, c'est trop et puis je n'ai pas besoin d'un polyglotte...

    - Ou celui-ci, à 150 zl. Il chante merveilleusement « La veuve joyeuse » de Franz Lehár ...

    - Oh, non. Et celui-ci ? Son regard se posa sur une vieille, vieille cage rouillée contenant un très vieux perroquet bavant, aux yeux larmoyants, le cou nu complètement privé de plumes...

    - Ah, ça ? Je ne sais pas d'où il vient. J'en ai « hérité » en quelque sorte avec ce magasin. Il s'exprime rarement... Parfois il chiale à longueur de journée... De ce que j'ai pu comprendre il parlerait russe mais assez vieillot... Je ne pige rien... Aussi bizarre que cela puisse paraître, tous les autres perroquets l'appellent « CHEF »... Allez, je vous l'offre puisque vous êtes sans argent mais prêt à accueillir un véritable ami !

     Le pauvre et sans abri sort du magasin (râ-vi), en brandissant victorieusement la cage rouillée enfermant le pssitacidé déprimé... et quelques mètres plus loin le perroquet se secoue vigoureusement pour s'exclamer dans la nuit froide, en langue russe :

    - Calèche ! Champagne !! Caviar !!! Et que ça saute, mon brave ! Davaï, davaï, dourak ! »   

     http://www.youtube.com/watch?v=7Gc_P5Bt2zk

    (... Alors qu'un autre oiseau, - son ami, - déprimait dans le fond d'un jardin zoologique de Chorzów, en chantant parfois nostalgiquement... :)

     marabut

     http://www.youtube.com/watch?v=8WD0WVL-HjE

     - Tu vois maintenant ? disait mon père - le choix d'un ami est une chose difficile et, surtout, retiens bien : on ne les achète jamais !

    Quelques semaines plus tard j'étais devenue l'heureuse maîtresse d'un hérisson trouvé dans le bac à légumes... pour lequel, finalement, mon père avait marque son accord !


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  • OUIIII ! LE RICIN !

    Devant chaque immeuble il y avait une merveille : un bac à sable où tous « les bas-âges » s'exerçaient dans le but d'évacuer le surplus d'une créativité débordante.

    Toujours sous l'œil attentif de l'une ou l'autre maman.

    Là, les batailles impitoyables de « grabki i łopatki » (râteaux et pelles) et parfois « wiaderko » - le seau (pour achever), - se succédaient sans cesse.

    J'ai compris plus tard pourquoi ce matos juvénile n'était qu'en plastique.

    Les coups et blessures se limitaient à des petits bobos, accompagnés de hurlements indignés et quasi hystériques.

    Le sable qui s'y trouvait cachait aussi d'autres aspects intéressants : les nombreuses crottes de tous les chats du quartier  (parfois desséchées, parfois pas...) qui allaient là bas pour se soulager sans s'asperger ou souiller leur précieux « futerko », leur pelage...

    Il fallait à peine tamiser quelques kilogrammes de ce mélange et les déjections félines s'accumulaient sur le bord du bac à sable.

     Cette activité sablonneuse était régulièrement ponctuée d'un :

    « - Qu'est-ce que tu mâchonne, Żabusiu (petite grenouille), de si juteux ? - sévère, de maman.

    - Un morfeau de viande...

    - Mais où tu as trouvé ça ?!!

    - Ve ne ferfais pas, - elle a rampé tout feule vers moi... »

    Nos consommations pirates se soldaient par la prise d'huile de ricin : jaune, visqueuse et dégoûtante... Et quelle odeur !

    Ce nettoyage était largement répandu chez les petits et surtout chez moi.

    Et encore, je pouvais m'estimer heureuse car certains de mes complices passaient par un nettoyage drastique et spectaculairement dégradant : le lavement des intestins avec l'énéma... L'horreur totale !

    L'huile de ricin m'ennuyait car, dégueulasse au goût et en consistance, elle faisait, entre autres, roter les quelques jours suivants en se rappelant dans mon moi à moi. Pourtant, selon moi, il n'y avait que les garçons qui rotaient et empestaient les toilettes...

    Si, en plus cette prise était précédée ou suivie d'huile de foie de morue, la catastrophe était totale.

    Cependant il fallait soigner ces voies digestives fragiles et régulièrement « visitées ».

    Et dans les pharmacies du quartier, il était fréquent d'entendre les petites victimes de ces soins :

    « - Bonzour, madame. C'est vous qui vendez z'huile de rifin ?

    - Oui, ma petite...

    - Et z'huile de morue, c'est vous aussi ?

    - Oui, chérie...

    - Et alors, les suppositoires, aussi ?

    - Oui...

    - Les seringues qui font mal ?

    - Mais oui...

    - TY ŚWINIO !!!! (« vieux porc » en traduction coloriée...) »

    Contrairement à moi, - amatrice de protéines et spécialiste en « machouillage » de spécimens en matière organique, mon frère préférait plutôt les matières plastiques et minérales.

    Les boutons, les cailloux, les capsules de bières, les petits objets en métal ... tout « faisait l'affaire » dans sa bouche avide de sensations fortes...

    A tel point, que...

    J'en reviens encore à ma Grand'Mère, cette huile essentielle... « L'acariâtre » de Cracovie.

    Parmi les multiples rougeurs la colorant, la seule chose esthétique que la nature lui avait accordée (par le généreux intermédiaire de son défunt époux, Andrzej - celui de Katyń), était une grosse bague sertie d'un immense rubis.

    En fait, un rubis tout court. Immense, c'est parce que j'étais petite et que je le voyais trèèèèès grand.

    rubis

    http://www.youtube.com/watch?v=VEfqozzL5uc

    Chaque fois quand je plongeais mes yeux dans ce rouge intense, le monde n'existait plus... et ma Grand'Mère s'estompait.

    - « Ma petite chérrrrrie, quand tu serrrras grrrrande, cette bague serrrrrra à toi... » disait cette Dame de Pique, épouse du Valet de Trèfle, ou valet tout court, mon Grand Père.

    Remarque : j'étais certaine que ce bijou m'irait très, très bien.

    A moi, car j'avais un goût terriblement prononcé pour toute sorte de joyaux, babioles et brillances digne d'une vraie princesse.

    J'avouerais même : je suis une véritable pie. J'aime ce qui brille, ce qui est pur, limpide...

    Je me suis même mise aussi à apprécier les belles capsules de bière... arrachées de la bouche de mon frère.

    Un samedi cracovien, toute la famille s'était trouvée dans l'appartement de mes grands parents.

    Grand'Mère, en faisant la vaisselle (avec ses belles griffes rouges), c'était exclamée que son précieux joyau rouge « s'était enfuit » (ou quelque chose comme ça...) de sa bague.

    Tout le monde s'était aussitôt mis à quatre pattes pour le chercher...

    Du coup nos yeux « chercheurs » se sont figés sur ceux de mon frère, exorbités, et à la bouille couverte de pourpre. 

    Mes parents se sont immédiatement rendus compte qui était l'heureux « trouveur ».

    Sans doute à cause de la rougeur répandue sur son visage due à la couleur noble du rubis englouti. J'ignorais que les éclats brillants de cette pierre étaient si puissants pour percer même l'épiderme de mon frère...

    Le fautif était condamné à une purge préventive. Enéma, huile de ricin, de l'eau chaude salée...

    La To-taaaa-le ! (gnh, gnh - vilaine...)

    Quant aux grands... ils étaient aux petits soins et à l'entière disposition de mon frérot.

    On avait même cherché dans la cave un vieux « nocnik » - un pot de pisse, pour pouvoir y scruter aisément les résultats de cet acte sous seing privé, encore frais.

    Comme tout le monde le sait, « Podpis », en polonais signifie une signature.

    Très tard dans la soirée le seing tant attendu était (ap) posé avec succès en déclanchant des applaudissements dignes du premier secrétaire de parti comm, Władysław G.  

    laborantins2

     La rougeur avait encore vu le jour.

       


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  • TROMPAIT-ON ?


    Cracovie...

    J'adore cette ville...

    http://www.youtube.com/watch?v=v5bwS62m_Sk

    Presque autant que maman et à chaque séjour (un peu forcé) je comprenais de plus en plus son mal-être « en exil » à Katowice, en Silésie. La Haute.

    De temps à autre, malgré les oppositions vigoureusement ronchonneuses de Grand' mère, je me rendais, la main dans la main, avec mon Grand Père à la fameuse place - Rynek, à dix minutes à pieds de chez eux.

    Lors de ce trajet mes yeux tombaient sans cesse sur des images et des objets merveilleusement intéressants, et principalement esthétiques, tels les monuments garnis des cacas liquides des pigeons émotifs, les stands à chaque pas regorgeant de petits jouets en bois, les « barbes à papa » multicolores, sans oublier le must cracovien - « obwarzanek », autrement dit « precel » (bretzel - un « étouffe chrétien » à cause duquel le dirigeant d'une célèbre nation avait failli perdre sa vie « bretz-ieuse » de "grand" chrétien) vendus à chaque coin d'une rue...

    Dans la mesure où mon Grand Pa' n'économisait pas pour une Trabant 600, lui, et n'étant pas radin, il m'achetait sans se rebeller tout ce que je désirais. Sauf les pigeons...

    golab

    "Comment chier avec précision sur les gens"

    Extrait de : "Instructions du manuel du vrai pigeon".

    Sur le Rynek se trouvait un très ancien restaurant « U Hawełki » où travaillait son frère.

    C'était là où je pouvais m'impatienter en jouant dans les couloirs avoisinant les cuisines et en guettant « hejnał mariacki » en direct de la tour de l'église de Sainte Marie.

    NB. « Hejnal » vient du hongrois : réveil aux aurores - c'est à dire quelques notes de trompette annonçant au monde que le soleil se levait.

    http://www.youtube.com/watch?v=WGXq_uYx2tA&feature=related

    Le contraire du coucher de soleil dans le film d'Alain Chabat « Rrrrrrhhh » :

    - « Ca va être tout noir ! criait le préposé au coucher de soleil

    - Ta gueule - répondait poliment la populace couchante. »

    C'était là où on achetait également mon silence en me gavant de desserts à IG strictement interdit.

    Ainsi, vers midi, les trois complices : mon Grand Père, son frère (je précise : qui avait terminé son service) et Kazimierz (qui était toujours en...) se mettaient à une table, à part pour y discuter (de quoi ?) tout en buvant « une toute petite vodka » (pourquoi une ? Pourquoi petite ?).

    A tout bout de champ (les calculs suivent), le pote de mon « dziadziuś » (Papy), Kazimierz, le trompettiste, montait (pour ensuite descendre) le même escalier pour y jouer son air aux quatre points cardinaux qui, à la fin, à l'est, était brusquement interrompu.

    La légende racontait qu'en  1241, lorsque les hordes d'ennemis mongolo tatars sont sournoisement arrivées aux portes de la ville de Cracovie, un garde muni d'une trompette s'apprêtait justement à « sonner » l'aube. Il avait repéré l'ennemi et avait essayé (vainement) d'en prévenir la population jusqu'à ce qu'une flèche tatare se plante dans sa gorge et interrompe cette alarme.

    Les réunions des trois papets m'ennuyait car peu du temps après, ils devenaient subitement bruyants et entonnaient des chansons paillardes auxquelles je ne comprenais rien : qui, qui avec qui, pourquoi faire, quand ?

    Et puis elles étaient toujours interrompues, car Kazimierz devait songer à monter l'escalier encore une fois et jouer ses airs dans l'air cracovien - pur et limpide vu la proximité des Tatras.

    Calcul rapide : 15 minutes pour monter, 3 minutes pour se produire et 10 pour descendre. Au total : 28 minutes. Il lui restait donc 32 minutes pour boire !

    Habituellement, vers 15h, il avait tendance à confondre ses notes modulées (sans doute à cause des efforts physiques) et là, très haut sur sa tour, parfois, il produisait les sons du Glenn Miller Band ou ceux de Louis Armstrong, et ceci étaient plutôt mal perçu par les touristes exigeants et envahissants du Rynek...

    En se séparant, les trois complices étaient heureux, sans montrer à quiconque qu'ils étaient complètement « trompette ».

    A la fin, nous allions saluer monsieur Lajkonik - ce Tatar, bipède, coincé depuis des années et dépassant à peine d'une monture de cheval en bois et couvert d'étoffes chatoyantes, - « vilain oriental » aux yeux noirs et menaçants qui me rappelait étrangement ceux de ma Grand'mère (coincée dans sa cuisine, elle), et affublé d'une longue tresse masquée sous un bonnet pointu - Stanisław.

    Son rôle était simple (et commode car il pouvait consommer à l'aise de l'alcool caché sous sa robe ample) car il se résumait à servir  de « décor » pour des prises de photos moyennant rétribution.

    NB. Lajkonik, lors de sa parade annuelle, extorque de l'argent en échange de sa protection aux magasins, bars et bureaux, mais également aux passants. Si ces derniers lui rendent hommage, il leur donne un coup sur la tête avec son bâton, ce qui d'après la légende porte chance... »

    Actuellement c'est plutôt d'autres hordes, plutôt organisées, qui y ravagent, en distribuant leurs coups de bâton à ceux qui se rebellent. On les appelle « racketteurs »...

    Les nombreuses ruelles datant du Moyen-âge qui entouraient cette place principale abritaient des centaines de petites échoppes tenues en majorité par des commerçants juifs dont, à l'époque, j'ignorais totalement l'existence.

    Les librairies et les bijouteries étaient mes préférées.

    Par contre tout ce qui y touchait à la gastronomie populaire, me donnait des nausées et même le bouillon de poule qui m'attendait tout à l'heure ne m'inspirait guère... (évidemment avec l'overdose de precel , de « barbes à papa » et autres friandises...)

    Les tonneaux de choucroute, de délicieux cornichons en saumure et de harengs Bismarck s'y alignaient ensemble en collant avec leurs vendeuses.

    Les pots en grès, gonflés de « kvas », de « barszcz czerwony » (soupe aux betteraves rouges fermentées), de żur (farine de seigle fermentée à l'ail et servant de base à de la bonne soupe : « żurek »)  lâchaient leurs émanations qui piquaient aux yeux, au nez et serraient à la gorge. En plus, mon cerveau m'envoyait alors des rappels alarmants de la douleur ressentie lors de mes nombreuses angines, et l'histoire de la flèche des tatars plantée dans la gorge du vigile  m'achevait.

    Au « khanat de grand'mère », les oreilles « couchées » et encore remplies des airs du trompettiste Kazimierz (et ceux de chansons paillardes...), - plus modestes et effacés, - nous eûmes le droit d'entendre, de près cette fois-ci et pas d'une tour, les interminables litanies monocordes qui se forçaient à transmettre le message suivant : ... manque de respect... une pauvre femme... avais un mari qui m'aimait (qui veut m'aimer ?Moi ! Mémé, quelqu'un pour toi !) Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu... Abandonnée... Incomprise par le monde entier (et mon dentier ?)... Et moi qui attendais, attendais...

    Sous la couverture de cette bande sonore aux cheveux rouges, je disparaissais alors dans la salle des bain afin d'évacuer dans la chiotte, le plus discrètement possible, mon surplus de friandises cracoviennes.

    En fait, complice affirmée et dévouée de mon grand père, je ne voulais surtout pas que cette « Mamy-khan » aprenne ailleurs à quel point j'avais été gâtée cette journée...

     


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