• DEMO PRATIQUE


    L'accession d'Edward G. à la fonction de Premier Secrétaire du parti comm était due, en grosse partie, à la première apparition de mon frère aux élections.

    Majeur d'âge depuis peu, - grave et appliqué, pour une fois, il avait même écouté les « dix commandements » de Tygrys, dans son entièreté et en matière de ce suffrage citoyen.

    Papa était visiblement ravi... parce qu'il se sentait moins seul à affronter les « commsconnus », mais il restait sur ses gardes, car craintif à l'égard du comportement imprévisible pouvant émerger du caractère versatile et « soupe au lait » (cependant par lui génétiquement transmis) de son fils unique.

    1.  Tu ne voteras que pour notre Camarade Sołtysek*. Ben, oui ! Il n'est pas plus con que... oups, qu'est-ce que je disais... Je me demande toujours quels sont ses diplômes, mais bon : il se reconnaît sur les affiches électorales. C'est déjà ça.

    *Nom d'emprunt, quoi que...

    2. Tu n'essaieras, sous aucun prétexte, de coller la tronche de Mick Jagger sur les affiches électorales. Et surtout pas celle de Kalina Jędrusik* ! (malgré qu'elle avait du « chien », il ne l'aimait visiblement pas...)

     

    jedrusik 2

    * Kalina Jędrusik (1931-1991) comédienne, chanteuse polonaise d'outre génération et hors souffle, aux longues griffes rouges - fas-ci-nantes. Elle aimait aussi les chats.

    http://www.youtube.com/watch?v=eeMAPhXh-Y0

    3.  Tu ne te serviras pas et tu ne mentionneras pas de noms d'adhérents au PZPR dans tes blagues qui commencent éternellement par : il y avait un Américain, un Polonais et absolument, un Russe...

    Allez, est-ce si difficile de remplacer parfois un con de Russe par un autre... Enfin, un Italien, par exemple, capito ! 

    4.  Tu te présenteras dans leur local dès son ouverture, c'est à dire à 6h. tapante ! Frais et dispo - je te préviens qu'il y a déjà interdiction de vente d'alcool la veille (fichtre c'est nouveau, ça ?!), ainsi que le lendemain.

    D'accord, c'est un dimanche, mais le devoir du citoyen tourne autour de l'urne et pas de l'autel.

     

    urna 2
     

     

    Inutile d'insister sur ta préférence (zélée) pour te rendre à la messe car je serais mort de rire. De toute façon cela ne t'empêchera pas de voir « Bonanza » ce soir... On le regardera ensemble, si tu veux... Quant à ta présence à la messe ? Tu négocieras avec ta mère et ta conscience...

    5.  Pitié, fais gaffe ! Pense un peu à tes parents ! A notre carrière ! Toute la vie à manœuvrer entre les « comms » ce n'est plus possible, à la fin ! Tu sais bien ce qu'on risque, si là bas tu fais le mariole ! Si tu dis un mot de travers...

    6.  Tu ne casseras point de rage les pointes des crayons rouges au bureau de vote. Tu ne déchireras pas ton bulletin.

    Tu te contenteras juste d'apposer gen-ti-ment ta croix à côté du nom de notre irremplaçable et unique candidat depuis toujours, le Camarade Sołtysek (en disant cela, Tygrys avait montré le blanc de son oeil comme s'il avait regardé quelqu'un en haut...)

    Non ! Je te dis : une croix et, surtout, pas trois, abruti !

    Et pas de moustaches ni de boucles d'oreille de pirates sur le portrait fraîchement masterisé de Vladimir Illitch Ленин

    Lénine 2

    (...tiens, on dirait qu'il était mort en excellente santé tellement ses joues sont roses, bizarre, bizarre... - visiblement réfléchissait-il).

    Tu ne te donneras pas en spectacle en exigeant la liste complète de tous les candidats. Pigé ?   

    7.  Tu n'essayeras pas de te faufiler entre la décoration florale en plastique mise à la disposition des camarades électeurs et le vase d'œillets en papier gaufré, pour t'enfermer avec ton bulletin dans l'isoloir, et pire encore, avec Camarade Poloczek*... lequel, comme d'habitude, assurera efficacement la surveillance des personnes votantes et concernées...

     

    goryl 2

    * également nom d'emprunt cependant étrangement courant...

    8.  Tu ne piqueras pas ces crayons rouges appartenant à la classe ouvrière (heureusement attachés...). Tu ne t'attaqueras pas à une urne, non plus. Ce n'est qu'un oooo-bjet. Pas de coups de pieds ni de ruades de bouc...

    Tu ne balanceras pas cette urne par la fenêtre.

    Ni aucun des camarades se trouvant dans le bureau ! Promis ?

    Je t'en supplie : ne pars surtout pas avec ton bulletin...

    Ni avec les Camarades Zdybełko* ni Klimczok* pour régler quoi que ce soit dans la cour.

    Ils sont là pour surveiller le matériel politique en faisant simplement leur sale boulot !

    * désolée - idem que pour Poloczek. Ici, je me force vraiment à changer les noms cependant ça tombe tout le temps sur les mêmes... Kowalski ou un autre Nowak, me parait trop injuste.

    Et puis, zut... N'importe qui après tout !

    9.  Tu va arrêter de sourire cyniquement et sarcastiquement, ainsi que faire semblant d'être gai ou ravi, comme à la vue et à l'arôme de ta parówa* chaude du jeudi matin. Pour une fois reste sérieux et appliqué.

    Et... Montre enfin la vraie couleur de tes yeux, de tes i-rissss parce que tous les « towarzysze » - camarades du quartier me font la remarque qu'à chaque fois que tu les croises, non seulement ils ne perçoivent pas distinctement ton bonjour, mais ils ne voient que le blanc de tes yeux.

    * Jadis elle ressemblait plutôt à un chasseur... Aujourd'hui, conformément à la réglementation stricte et impitoyable de l'UE, elle a pris la forme d'un morceau de câble à haute tension, la couleur « gencives » de la mamie de Cracovie - rose jaunasse, et le goût de notre Rawa - à Katowice, un cours d'eau plutôt « glandant », se dirigeant, en principe, nulle part et servant au charriage massif de divers déchets, y sidérurgiques compris.

    De ce que j'ai pu constater plus tard, c'est pareil à Venise, mais les canaux regorgeraient plutôt de déchets organiques, tels que des pelures de patates. A croire, que là-bas aussi, ils en consomment beaucoup...

    10. Tu garderas pour toi ton irrésistible désir de te foutre ouvertement de la gueule de ce boudin

     

    Kaszanka 2

     

    d'épouse du Camarade Sołtysek ! Voire même de sa prochaine « poule » !

    Ca concerne également ces guenons respectives, et pour l'instant actuelles, des Camarades Klimczok et Zdybełko.

     

    http://www.youtube.com/watch?v=Vnq40lxZz1Y

    En polonais :

    « Tooo byyyyły piękne dni, po prostu piękne dni,

    Nie zna już dziś kaaalendarz takich daaat,

    Kiedy uczyyyłeś mnie wymawiać iiiimię twe,

    Wtedy rzuciiiłeś dla mnie cały świaaat...

     

     En traduction totalement libre :

    « C'éééétait des trèèès beaux jours,

    Simplement trèèès beaux jours,

    Calendrieeer ne cooonnaît pas ces daaates,

    Quand tu m'appreeenais donc

    Comment s'pronooonce ton nom

    Quittant les auuuutres, voilà, que tu t'éclaaates »

     


    votre commentaire
  • DOUX LIARDS...


    Edward Gierek, natif de Haute Silésie, - après un parcours politique long, rude et encombré de nombreux fourbes lui tirant dans le dos près des corons du Pas de Calais ou de Limbourg belge - devint notre nouveau Premier Secrétaire du PZPR (Parti Ouvrier Unifié Polonais), et, par la même occasion, le grand chef de la République Populaire de Pologne toute entière. 

    Issu de notre région, ce Silésien, diplômé de l'Akademia Górniczo-Hutnicza, l'Ecole Supérieure des Mineurs et Sidérurgistes à Cracovie, - s'était gravé dans la mémoire des âmes qui lui étaient dévouées et soumises. 

    http://www.youtube.com/watch?v=0cF6oLX0htk

    « Saint Pierre faisait ses « entrées ».

    - Oh ? C'est qui, avec ce visage si jaune et ce regard si morne ?!

    - Nous sommes des victimes de la jaunisse...

    - Et vous, au visage si blanc et à l'œil délavé ? (Remarque : non, il ne s'agit pas de Hollandais...)

    - Nous souffrons d'anémie...

    - Et vous ? Au visage rouge et à l'œil si enflammé ?

    - Nous avons la rougeole...

    - Et ça !? Mais... qui sont ces malheureux au visage noir et l'œil affamé ?

    - Nous sommes des « hajer » de Haute Silésie (des mineurs) - et avons été victimes d'un coup de grisou... »

     

    Lors des dix années de son règne au parcours méandreux, la Haute Silésie avait, enfin, connu un essor économique fort spectaculaire : les salaires des ouvriers des mines et des aciéries avaient considérablement augmenté, alors que ceux des ingénieurs étaient toujours nuls... 

    Les frontières avec l'Occident s'étaient percées comme un ballon, et n'étant plus étanches, facilitaient une « circulation touristique » plus en moins aisée, due aussi à une convention signée entre la Croix Rouge Internationale avec les divers dirigeants politiques, et donnant le droit au fameux « regroupement familial » des familles dispersées dans des pays ayant une coloration fort différente. 

    Ainsi, dans notre région, « germanisée » de force depuis des décennies, il ne restaient finalement que quelques allochtones déboussolés et figés, comme des bolets à leur humus humide de feuillage de chêne... 

    Les « pistes unilatérales », car « à aller simple » de « tourisme » polonais, menaient, essentiellement, en RFA, aux USA et... en Israël.

    On prédisait depuis longtemps, que dans un souci de faire des économies d'énergie nationale, il suffisait « d'ouvrir » les frontières vers l'Ouest pour que le dernier partant puisse débrancher l'électricité générale... 

    Les médailles du mérite se faisaient remplacer par des enveloppes (grises en papier Kraft) contenant « la quinte essence de la reconnaissance » de l'un ou l'autre employeur (état), en version purement pécuniaire, et à la vue, hélas, et à l'ouïe de tout le monde.

    « Pourquoi a-t-il déjà sa troisième médaille ?

    Parce que il en avait déjà deux.

    Et pourquoi la deuxième ?

    Puisqu'il avait déjà reçu la première.

    Et pourquoi cette première ?

    Parce qu'il n'en avait aucune autre. »

    Les autres enveloppes, plus gonflées et mimétiquement blanches, passaient discrètement en dessous des tables, lorsque la santé de l'un ou l'autre Polonais était défaillante.

    Elles étaient destinées aux médecins - spécialistes pratiquant... surtout, l'extorsion de fonds, appelée, disgracieusement, plus tard : racket ...

    Leurs contenus inodores, restaient méconnus de la classe ouvrière  concernée.

    Les sommes d'argent, bien rondouillardes, passées au « noir » aux blouses blanches, (Białasy - de : blanc - biały), étaient ensuite astucieusement valorisées par un « blanchiment » de ces derniers, spécialistes également de cette non couleur... 

    Les devises occidentales, avec leur propriétaires, commençaient à faire massivement irruption sur le marché polonais, tout en repoussant les vils złotys, en alu très léger, - nos valeurs nominales...

    zloty 2

    Le Złoty ( dit : "en or") était complètement dépassé par rapport au Deutsche Mark ou au Dollar américain, mais tenait cependant la dragée haute, face à la Roupie ou  autre Kyat non européen...

    Quelque personnes de mon entourage proche, suggéraient également de forer deux ou quatre trous dans nos zlotys, en vue de leur recyclage et de leur commercialisation en guise de boutons, pour lesquels nous étions toujours en rupture de stock.

    Un réseau de magasins, initialement appelés Sklepy Dewizowe PeKaO (banque regroupant ainsi les devises dispersées aux diables...), puis PEWEX (Przedsiębiorstwo Exportu Wewnętrznego - Société d'Exportation Interne - cool !) - permettait l'acquisition de marchandises, dites « de luxe », en payant en devises étrangères. 

    Le commerce illicite en bonnes devises « dures », était devenu une activité hautement et purement lucrative et se propageait au niveau national.

    Ces marchands ambulants de devises s'appelaient : « cinkciarz » ou « cingciarz » (se prononce tchingtchaj),  car en découvrant les touristes fortunés des lointaines contrées, ils s'adressaient à eux, en anglais basique : « Tchintch moni ? »

    Il y encore une autre hypothèse concernant l'origine de ce mot.

    L'homme opulent et localement disponible compterait ses liards par billets de 500 - de « cinquecento » en italien.

    Ou, peut-être, du Sing Sing - nom de la maison d' incarcération  célèbre et américaine où ceux « A cinquecento » croupissaient à l'époque de Al Capone ou dans les autres périodes ...

    N'empêche, qu'un jour, j'avais acheté mes deux dollars auprès d'un « sprytny cingciarz » - un « astucieux marchand de devises issues de l'importation externe », - au prix de 220 zl. - un !

    Aïe !

    Remarque : A cette époque, le salaire mensuel de mon père s'élevait à la somme de 6000 zl.

    Celui d'un « sztygar » - chef d'équipe de mineurs, à 9000 zl..., avec une possibilité de travailler des heures supps, si cela lui chantait... 

    Avec cela, j'ai juste pu m'acheter un savon

    LUX 2

    ainsi qu'un minuscule paquet de chewing-gum « Hollywood » à la menthe, lasse de remâcher finalement ceux,  déjà « surexploités » par les mâchoires de mon frère. 

    Un seul savon, mais de marque « Luxe »... pour son parfum, sans doute, qui m'avait semblé exquis... cependant pas plus, que celui de mes deux premiers Dollars...

     

    dollar 3

     


    votre commentaire
  •  

    POST STRICTUM

     

    « Après avoir fêté leurs 70ème Noël ensemble, un vieux couple apparaît devant Saint Pierre :

    - Félicitations, mes chers amis ! - les accueillit le Grand Huissier. - Bienvenue au paradis ! Je vois sur votre fiche ici présente, que, hmmm, vous êtes venus chez nous après une groooosse indigestion... Hmmm... Mais ici c'est terminé ! Vous pouvez consommer ce que bon vous semble ... Il y a de tout. Aucune restriction, ni quantitative, ni qualitative...

    - Et mes complications cardio-vasculaires ? - s'inquiéta le vieux nouveau venu

    - Des clous ! Vous n'aurez plus rien !

    - Mais mon mauvais cholestérol « triglycerideux » ? Et mon diabète... Et l'ulcère à l'estomac ? 

    - Je vous répète : vous n'aurez absolument plus rien, et, surtout, vous ne ressentirez plus aucune souffrance !

    - Tu vois, Madeleine ? A cause de tes foutues pétales d'avoine et ta bouffe light, nous sommes venus ici 20 ans trop tard !" 

     

    Lorsque, vers 23 heures, environ, les douze plats « bibliques » étaient convenablement engloutis et placés dans nos poches stomacales étanches et accueillantes...

    Lorsque le pavot, servi en abondance, commençait exercer son pouvoir sédatif...

    Maman, subitement fraîche comme un pinson, lançait son éternelle et inévitable « invitation forcée » à la messe de minuit...

    Des nuées des pratiquants repus et chaudement vêtus débordaient de partout, en se dirigeant joyeusement d'un pas décidé vers l'église la plus proche. 

    Nous aussi... d'un pied lourd !

    Trois heures plus tard, nous nous couchions, épuisés, pour nous lever de bonne heure afin d'affronter une « re-messe ».

    De 10 heures, cette fois-ci...

    Et la fête continuait gaiement autour de la table... 

    Le bouillon de poule avec « makaron »,  - macaroni, « maison », - suivi des kluski śląskie,

    kluski 2

    des boules au goût de gnocchis italiens - accompagnées de roulades de viande et de chou rouge aux pommes (spécialité silésienne), noyées dans une délicieuse sauce brune...

    Ensuite le « tort » (à prononcer : torte),

    tort 2

    - ce gâteau immense, à plusieurs étages, à la crème au beurre, coulant et succulent...

    Une « herbatka z cytryną », pour les mineurs d'âge, et « kawa parzona », café fort à la turc, pour les civilement responsables d'eux. 

    Et puis, souvent, une tournée générale d'une solution médicamenteuse adéquate et délicieusement apaisante pour toutes les brûlures de l'estomac...

    Vaisselle précieuse en porcelaine et en cristal, héritée de l'une ou l'autre grande mère (non, pas la Moustachue) durant quelques heures...

    Rangement soigneux de la même...

    Préparation de la table pour le repas de la soirée : jambon, szynka, et « czerwone buraczki z chrzanem », des betteraves rouges au raifort (préalablement râpées). Le raifort... cette racine, blanche à l'intérieur, qui, au râpage, fait voir mille bougies, et suscite l'apparition immédiate de deux autres, aux narines.

    tuba 2

    Et... à la fin : « Bonanza »

     

     bonanza2

    http://www.youtube.com/watch?v=mjdRgBAY278

    ou un autre western, « Le Pont sur la Rivière Kwaï » - (le régime comm  préférait plutôt montrer « Douze Salopards », ou « Sept Mercenaires », que les douze apôtres ensemble ou séparément), - déjà vus et revus à chaque Noël, et dans la même chambre « à-télé-de-papa » de 26° C, gisant sous l'influence des ces résidus d'opiacés ingurgités la veille, et agissant en parfaite symbiose avec les graisses d'origine animale entremêlées avec les sucres rapides et expéditifs, mais cependant tenant un œil vigilant et, miraculeusement ouvert, sur nos allées et venues intempestives. 

    Méfiance !

    « - Mais, qu'est-ce que t'as, mon Tigrou, (Tygrysek) ? Pourquoi ce regard oblique ? Nous sommes ici entre amis, non ? - s'inquiéta Porcinet, Prosiaczek.

    - Bien sûr, vous êtes toujours mes amis, mais je m'en méfie car le Bouriquot (Osiołek) est un âne, Winnie (Kubuś Puchatek), un ours mal léché, et toi, en plus, avec ton caractère de cochon... On ne sait jamais ce que vous pouvez bien comploter ensemble... »

    tigrou 2

    Nous nous endormions paisiblement, en sachant, que le lendemain, nous affronterions, exceptionnellement, les deux régimes les plus stricts et insupportables : un, politique et l'autre, alimentaire...

     


    votre commentaire
  • CHASSE, PÊCHE, CUEILLETTE...

     

    Les sapins commençaient à prendre leur juste place, en se pavanant dans les appartements grands comme un mouchoir (d'homme) des Polonais.

    La fierté absolue consistait en l'introduction et l'installation de ces épineux et piquant rebelles, de plus en plus touffus et les plus hauts possible... limités, cependant, à 2,5 m. au maximum.

    Les sapins occupaient également les surfaces et les volumes des classes des écoles...

    choinka 2

     

    Un jour, au retour de l'école, le visage de mon frère était couvert de nombreuses griffes et d'égratignures ...

    - Mais que t'est-il arrivé ? - s'exclama maman ahurie.

    - Oh, rien... C'est que nous avons dansé tous en rond autour de notre immeeeeense sapin de classe en nous tenant par les mains... Et comme il n'y avait pas beaucoup d'élèves...

    La tradition exigeait qu'on les garnisse le jour même du réveillon de Noël.

    Ensuite, ils devaient absolument tenir dans nos habitations exiguës et surchauffées jusqu'aux Mercredi des Cendres, ce qui s'avérait plutôt impossible.

    Richement « vêtus », avec leurs pointes scintillantes au sommet, telle une « pickelhauba »

    casque 2
     

     

    - en silésien, le casque d'un soldat prussien (pickelhaube - en allemand), « choinka » (prononcer : khoïnka) occupait la place principale, en repoussant même au second plan notre TV, toujours limitée à ses deux programmes nationaux et à son éternelle tarte de speakerine, mais en version plus âgée - depuis l'ère de l'ancien président de la Pologne, B. Bierut...

    J'aimais « habiller » le sapin parce que chaque pièce de son « vêtement » représentait la gaieté et puis, la brillance, la lumière...

    Après un court inventaire et le rappel du matos de Noël, avec mon frère, on commençait par se garnir, nous, des ces guirlandes, longues et multicolores...

    Oups ! Quelques boules fragiles et de production polono polonaise cassées... Pas grave, car récupérées et finement broyées, elles servaient à la préparation du déguisement d'ange à la paroisse.

    Le voisinage se mettait alors à la recherche, à la chasse et à la cueillette des denrées rares et pourtant nécessaires pour le bon déroulement de fêtes de fin d'année.

    Chacun de ces éléments nutritifs était disponible dans des magasins considérablement éloignés les uns des autres...

    Durant la semaine qui précédait Noël, la course aux aliments commençait très tôt matin et avec l'étroite collaboration de tous les membres de la famille...

    Le repas du Réveillon de Noël, qui débutait « à la première étoile apparue » (ou, plutôt aperçue au travers de la pollution industrielle du ciel) consistait en la présentation sur la table, couverte d'une nappe amidonnée et immaculée, de 12 plats différents (en petites quantités) et dépourvus de viande... Sauf celle de poisson, et plus précisément de carpe.  

    L'acquisition de celle-ci, encore vivante, était primordiale car indispensable pour mijoter la « carpe à la juive » - cuite longtemps dans des fruits secs : amandes, noisettes, raisin et avec beaucoup d'oignon.

    Les « makówki » - petites quenelles de pâte, confectionnée sur base de pomme de terre et de farine, cuites à l'eau (Allô ! On ne s'endort pas !), mélangées avec une préparation de « mak » - grains de pavot broyés avec des fruits secs (figues, dattes, noix etc.) et des raisins secs ainsi que de la pelure d'orange confite...

    Par ailleurs, la consommation de cette véritable bombe soporifique,

    mak 2

    hautement opiacée, apportait, rapidement, des résultats stupéfiants : même les confidents - « kapuś », devenaient ramollis et subitement plus polis, patients et surtout tolérants, cependant prêts à sortir leurs quelques « vérités », juste au douzième coup de minuit (comme toutes les autres bêtes...).

    Mais revenons à nos moutons, à savoir la carpe dont il fallait bien mériter.

    Dans ce froid sibérien que nous connûmes, dans le noir le plus total, - à 5h du matin (parfois plus tôt) une file d'amateurs « pêcheurs » prenait possession des trottoirs couverts de glace,

    http://www.youtube.com/watch?v=HSeilj9gDyw

     

    devant un magasin, qui indiquait par ses nombreuses affichettes : « La livraison de carpes vivantes, aura probablement lieu aux alentours de 16h, - si tout va bien... ».

    Le magasin restait exceptionnellement ouvert jusqu'à 19h.

    Et puis - c'eeeest tout !

    La Pologne était, à l'époque, un pays des véritables « filologues » - des connaisseurs futés et socialement dépendant de ces files formées devant les magasins, et de ce contact au « corps à corps » - parfois simplement pour se tenir en groupe sans s'égarer dans le noir, ou comme des pingouins, pour se tenir  au chaud... Ils dansaient de temps en temps, et parfois gaiment même...

    Les carpes y acquises, toujours miraculeusement vivantes, étaient rapidement (avant de geler) transportées et « baptisées » dans l'eau accueillante de nos baignoires, - froide et enrichie d'une adjonction massive d'un mélange de chlore et de phénol et de leurs dérivés, où elles naviguaient tristement et en rond jusqu'à la veille de Noël...

    karp

    « Un homme d'une beauté modérément plaisante, à lèvres lippues et aux yeux clairs d'un bleu délavés, portant un imper trempé par une pluie diluvienne, se présenta à la réception d'un hôtel chic de Katowice, malheureusement mal fréquenté...

    - Bonjour, j'ai réservé une chambre...

    - Votre nom ?

    -  Carpe... Monsieur Carpe, hmmm... - dit il timidement.

    - Effectivement... La chambre avec une baignoire, sans doute ? »

    La chasse à l'alimentation et la pêche clôturée, les préparations culinaires débutaient, ainsi que le nettoyage complet de l'entièreté de notre « petit » espace "appartemental" nous appartenant, lequel, à ce moment là devenait subitement immense et aux murs extensibles...

    Des activités longues et éprouvantes, à savoir : le cirage du « parquet de maman », sa lubie..., une grosse lessive - dans un lavoir commun, aménagé dans la cave, dont chaque locataire d'un même immeuble pouvait disposer, chacun ayant son tour, un repassage « à la papier Bristol »... oufff ! et tant d'autres manipulations valorisantes...

    Pendant le temps de cette corvée, tout notre matos électroménager, y compris le fer à repasser, - réunis, raccordés et accordés par la voix de maman - sifflait, soufflait et chantait les « kolędy » - les chants de Noël...

    http://www.youtube.com/watch?v=UA1e9Xgex34


    votre commentaire
  • GRASSTRONOMIE

     

    « Vivre d'amour et d'eau pure et avec du pain sec » n'avait jamais été d'application en Pologne.

    Pour la simple raison que l'eau, ne se buvait qu'après un abus d'alcool.

    Autrement c'était « herbatka z cytryną » - le thé noir avec du citron qui permettait de digérer toute sorte de plats, plutôt gras, ou de réguler simplement la température du corps, exposé au froid ou à la chaleur de notre climat sibérien - continental.

    Quant au, certes, délicieux pain au levain, il n'avait à lui seul aucune chance de tenir la première place dans l'alimentation est européenne.

    Chaque pays a sa fierté culinaire nationale, souvent basée sur les restes de repas.

    Les pizzas, les assiettes norvégiennes, les paellas, les omelettes et autres tapas, ne sont que le résultat, parfois glorieux, du degré d'intelligence et de l'esprit d'économie de leur cuistot. 

    Les papilles gustatives d'un Polonais se développaient essentiellement sous l'influence de l'ingurgitation massive de pommes de terre, de chou, de cornichons (des gros) et de viande porcine.

    Nous ne connaissions pas différentes variétés de patates car il n'y en avaient qu'une sorte : celles qui étaient disponibles dans notre magasin du coin, « Sklep Warzywniczy » - magasin de légumes.

    Vu, en plus, la modestie du portemonnaie de nombreuses ménagères polonaises, il n'y avait que des légumes et des fruits du pays - de la région - et de saison.

    Contrairement aux tubercules importées par Parmentier, les nombreux choux avaient envahi les chaudrons slaves déjà largement avant.

    chaudron 2

    Le blanc, le rouge (Naaan ! Pas de vinasses !)...

    Le chou vert, - appelé « kapusta włoska ».

    kapusta wloska

    Ce chou, d'origine italienne, était apparu sur notre territoire au XVI siècle en venant directement dans la « beauty case royale » - contenant également une panoplie de poisons divers et leurs anti-dotes... - de Bona (Sforza), devenue notre reine par son mariage (sèchement politique et sans amour) avec le roi de Pologne de jadis, Zygmunt I Stary - Sigismond I Le Vieux. 

    Le chou « nouveau » du mois de juin, ou celui de novembre, le chou fermenté - « kapusta kwaszona » - aigre (disponible toute l'année) - donnait beaucoup de possibilités pour cuisiner des plats tels que : kapuśniak, - cette délicieuse soupe épaisse au chou, ou à la choucroute, - la surówka - salade d'accompagnement, les gołąbki (pigeonneaux)

    golabki

    - des feuilles de chou farcies, les « racuchy » - des quenelles, ainsi que le BIGOS, - ce plat de nobles chasseurs polonais (datant du XVII siècle) à base de choucroute, comprenant dans sa composition malicieuse, des cèpes, diverses viandes, des lardons, des pruneaux, et à la fin, pour la coloration... un peu de purée de tomates.

    Certaines mauvaises langues appellent ce plat la « choucroute bolognaise »... cependant, il suffit de la goûter une seule fois pour en demander plus... et plus...

    D'abord, pour qu'elle soit savoureuse et digeste, il faut la cuire longtemps (et jamais dans une casserole en aluminium !), à petit feu, et « par paliers » - cuire - laisser reposer - recuire, et ainsi de suite...  

    Ensuite on y ajoute des feuilles de laurier, des baies de genévrier, et du cumin, absolument.

    Le chou aime la graisse : celle de porc, de canard ou d'oie, tout comme la vodka aime le poisson...

    Il sera bien meilleur le lendemain, ou bien, plus encore, dans sept jours, selon les anciens (qui y survécurent diraient encore les mêmes mauvaises langues)...

    En novembre, juste avant les premiers gels, de nombreux agriculteurs - paysans s'aventuraient jusque dans notre quartier avec leurs chariots tirés par des chevaux, pour vendre leurs denrées alimentaires campagnardes.

    fura 2

    « Au noir », si on veut, parce qu'ils devaient céder une grosse quantité de leur production quelle qu'elle soit à l'état, gourmand, exigeant et sans cesse affamé...

    Nous achetions alors quelques 300 kg. de leurs pommes de terres pour passer l'hiver, quelques kilos de pommes... Parfois des œufs de poules heureuses et épanouies...  

    Et surtout, leurs choux blancs en vue de confectionner notre propre choucroute, à nous. 

    Dans ce cas toute la famille s'activait ! 

    Après avoir trimbalé au premier étage, une cinquantaine de ces « têtes » bien fermes et charnues, l'atelier de cuisine, artisanal et familial, commençait...

    Nous râpions finement les choux à l'aide d'un appareil, un chariot à lames en acier acérées et sous l'œil attentif de Tygrys (y les lames comprises).

    Ensuite nous le placions dans un petit tonneau en chêne (une merveille).

    BECZKI 2

    Une couche de chou - beaucoup de sel, de cumin en grains - encore une couche de chou et ainsi de suite...

    Mais ce flocons devaient être bien aplatis et complètement débarrassés de tout leur jus...

    Nous commencions alors une délicate opération de lavage de nos pieds...

    laver 2

    car cet aplatissement le plus correct et optimal ne pouvait se faire que « pédestrement » c'est-à-dire, en « pataugeant » joyeusement dans une bassine remplie de ce chou haché.

    Le tonneau, « empiffré - gavé » de son précieux contenu, était alors immédiatement descendu dans la cave bien fraîche et aérée où il était stocké, - parfois contre son gré -, entre les pommes de terres, le charbon et l'étagère s'écroulant sous le poids des bocaux bombés de cornichons en saumure du mois d'août.

    Ensuite il fallait attendre deux ou trois mois pour que la « mixture » soit prête et, bien sûr, bien sure...

    Il me fallait toutefois beaucoup plus que ça, car, rien qu'à la pensée que nos pieds nus avaient piétiné cette nourriture, même après six mois écoulés, je ne la digérais toujours pas...

    Ca va beaucoup mieux maintenant ! Après tout, on martyrisait toujours ainsi, ces pauvres raisins...

    Une suggestion alors pour ce week-end ? 

    bigos 2

    Choucroute à la polonaise - BIGOS

    - 3 kg de bonne choucroute nature de votre boucher préféré,

    - 1 kg de viande : saucisses « polonaises » ou de « Morteau », lardons fumés, rôti de porc, viande de volaille, veau,  boeuf, gibier - et tout ce qui tombera de viandeux sous votre main...

    - 2-3 oignons (moyens)

    - une vingtaine de champignons - cèpes - séchés

    - 1 cuillère à café (ou plus) de cumin, de préférence en poudre...

    - 20 baies de genièvre

    - baies de poivre noir

    - une dizaine de pruneaux

    - 2 petits raviers de purée de tomates

    - graisse d'oie ou de canard, ou le saindoux de porc

    - 3-4 cubes de bouillon de viande

    - bière blonde

    1. Poser (avec amour) les oignons grossièrement hachés sur la graisse chaude, dans une grosse marmite (non alu) et ensuite, par couches « éparpillées », la choucroute.

    2. Ajouter les champignons préalablement ramollis dans de l'eau bouillante.

    3. Rôtir toutes les viandes ensemble au four.

    4. Les couper en petits dès.

    5. Les incorporer avec leur jus dans la choucroute (le plus tôt possible), avec les lardons, les rondelles de saucisses, les baies, les bouillons en cube écrasés, les pruneaux secs...

    6. Arroser d'une bière ordinaire et claire.

    7. Cuire +- 4 heures ? tout en « touillant » régulièrement et avec

    application avec une spatule en bois. 

    8. Assaisonner selon le goût (suggestion : piment d'Espelette).

    9. Arrêter la cuisson.

    10. Rajouter la purée de tomates.

    11. Reprendre la cuisson une heure plus tard... etc.

    12. Servir avec des pommes de terre telles que des cornes de gatte (qui aime le chou), ou de la grenaille, ou en purée « farineuse » (du magasin du coin) ou/et avec du pain...

    Tout en espérant que cette choucroute ne provienne pas d'un atelier clandestin d'un pays est européen, employant quelques travailleurs saisonniers, bipèdes et pédestrement disponibles...

    myrtille 2


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique