• DEMANDEURS D'ASIE

     

    « - Paaaaa, pourquoi nous avons deux bosses ? - demande un jeune chameau de Bactriane à son père.

    - Eh bien, mon Camelou, les bosses nous permettent de ne pas nous déshydrater, si on veut... On y stocke de la graisse et des acides nécessaires à... - répond papa.

    - Et pourquoi ces sabots si solides ?

    - Pour pouvoir gratter dans le sable à la recherche d'eau ou de racines végétales à brouter... Et pour parcourir des graaandes distances dans le désert...

    - Paaaa, et pourquoi ce pelage si épais ?

    - C'est pour pouvoir gérer notre température corporelle : il nous protége lorsqu'il fait très chaud dans la journée ou très froid pendant la nuit...

    - Et ces grosses dents de devant  en pelles?

    - Pour pouvoir extraire de la nourriture enfuie profondément dans le sable...

    - Paaaa, avec votre permission : Fichtre ! Je me demande  à  quoi cela peut nous servir ici, dans ce zoo parc ? »

     La politique allemande d'intégration professionnelle, sociale et culturelle des immigrés a toujours été menée avec un véritable brio.

    Après l'arrivée programmée et massive des Turcs sur le marché du allemand travail - due à la pénurie de jeune main d'œuvre au travail - et à part les Polonais y apparaissant continuellement, il y avait aussi des russophones - d'origine germanique et venant des vastes (et le mot est faible...) steppes kirghizes

    kirghiz2

    et kazakhs,


    kazakh3

     

    ou du Caucase graniteux,

     

    kaukaz 2

     

    - qui commençaient à pointer leur nez du « bon » côté de l'Oural et du Rideau de Fer. 

    Les nombreux communistes allemands d'avant guerre, jugés « encombrants » sur le sol « fraîchement reïcheux », s'étaient exilés jadis vers ces républiques soviétiques afin de pouvoir goûter, aux premières loges et de tout leur saoul, les plaisirs de la vie quotidienne sous ce « régime satellito-stellaire » et ainsi échapper à l'autre, celui concocté adroitement par redoutable Adolf H.

    Remarque : Un dicton polonais, ô combien juste, résume cet état comme « Wpaść z deszczu pod rynnę » - Tomber de la pluie sous une gouttière...

    Des années plus tard, ces nouvelles générations russo-allemandes, ne trouvant plus leur bonheur tant espéré dans les plaines verdoyantes et juteuses et considérées comme un simple « Heimat » (région de regroupement familial), se sont résolues à « tourner casaque »

     

    casaque

    (aussi...)

     

    et regagner leur « Vaterland » - la vraie patrie de leurs ancêtres.

    Ayant à faire avec un grand afflux de candidats « Allemands de  catégorie B, C, D... », les autorités locales avaient établi, à côté du bourg de Massen, un immense camp

     

    oboz2

     

     

    pour des milliers de réfugiés venant de partout, c'est-à-dire de l'est...

    http://www.youtube.com/watch?v=WUt4hEh4qUA

    Il fallait les loger, les nourrir, les former, les recycler,  et avant tout, les introduire « illico presto » dans la masse travailleuse... Indispensable pour les cotisations sociales des pensions de la génération allemande fortement vieillissante...

    Ils étaient donc tous sélectionnés par pays d'origine, par tranche d'âge, par profession, par aspirations, par ascendance allemande... 

    Parfum d'encens religieux...

    Parfait ?

    Ce camp - véritable usine de réinsertion sociale et Tour de Babel -  présentait malheureusement une grande défaillance au niveau linguistique.

    Tout ce monde de sympathisants pro allemands y réunis, ne parlait hélas pas du tout allemand. Ou, très peu et encore... Il s'exprimait en « plattdeutsch » basique, transmis par des membres de leur famille, et écartés de la réalité et de la modernité.

    http://www.youtube.com/watch?v=AISUTUzzRO8

     Après un cycle complet - qui durait 6 mois - et après un apprentissage en accéléré de l'allemand

     

    lawka stara 1

     

     - les immigrés étaient enfin logés... dans des quartiers attribués par leur nationalité d'origine... L'Etat leur trouvait également un emploi, comme dans un régime comm...

    C'est ainsi que, d'année en année, chaque nation reconstituait progressivement et nostalgiquement son propre « environnement d'origine » - son Heimat d'antan, mais cependant sur le sol allemand.

    Et chacun de ces « îlots » de nouveaux habitants - parlant la même langue d'origine - devait absolument avoir ses propres boulangers, bouchers, plombiers, ses petites épiceries ainsi que les représentants de leur culte...

    En fait : « A l'Ouest rien de nouveau » - Im Westen nichts Neues, écrivait Erich Maria Remarque, immigré allemand installé en Suisse... Lui.

    Après tout, nous avons tous le droit de chercher ce qu'il y a de mieux...

    Non?

    Comme moi... mes godasses à Leipzig... 



    votre commentaire
  • ZOLL BACK


    Et les Polonais fuyaient.

    Fuyaient...

    Ils partaient à l'Ouest sous n'importe quel prétexte et dans des conditions inimaginables...

    Grâce à la nouvelle convention de la Croix Rouge Internationale mettant en application le « regroupement familial », prouvant ainsi une large ouverture d'esprit et la bonne volonté des diverses parties, les sujets polonais ciblaient tous les coins du monde tout à fait légalement...

    Ou pas, car ne disposant pas, mais alors pas du tout, du moindre ascendant occidental.

    krewny 2

    Il y a ceux, nombreux, qui sont allés s'établir en Israël.

    Ceux qui ont rejoint leurs familles déjà installées aux Etats Unis d'Amérique, au Canada...

    Hymne de "Polonia" :

     http://www.youtube.com/watch?v=9x-lgefPuss

    Mais, dans notre région, « germanisée » depuis des années, la cible incontestable et incontestée était la R.F.A.

    Dans notre « quiproquo historique », trouble et généralisé, personne n'a jamais été en mesure de se prononcer une bonne fois pour toutes, en ce qui concernait son appartenance ou non, à ce peuple germanique, germanophone et germanisant...

    De plus, vu la proximité, de l'ordre du kilomètre (en ce qui me concerne) de cet état à notre porte, le chemin pour la conquête d'ein blau Himmel était au moins aisément atteignable...

    « Les policiers de « drogówka », (de : droga - la route) du trafic routier (ou de la circulation), arrêtent une voiture partiellement immatriculée en Pologne...

    - Bonjour. Vous savez, towarzyszu, (au vocatif : camarade) que vous ne possédez qu'une seule plaque d'immatriculation sur votre véhicule ? - demanda poliment un « scaphandrier cycliste volant » - Mais que vois-je, vous êtes à dix passagers dans cette voiture de cinq places ?! - continua-t-il. - Permis de conduire et carte grise (qui était toujours verte...). Vous n'en avez pas ? Ni l'un ni l'autre... D'accord, sortez tous, s'il vous plaît... De plus, il me semble que vous avez exagéré en chargeant très mal tant de bagages sur votre toit ! - s'acharna-t-il timidement...

    - C'est quoi ce gosse « basané » et mineur... Il ne figure pas sur votre carte d'identité ! Vous avez, sans doute, une autorisation pour le véhiculer partout ? Mais, je rêve ? Vous êtes ivre... Et dans ce paquet pesant, qu'y a-t-il ? - demanda-t-il, déboussolé...

    - De l'or ! Et 100 billets de dollars à haute valeur faciale ?

    Soudain, en ouvrant le coffre, une mamie octogénaire se répand sur le revêtement routier hostile...

    - Quoi, quoi, Heinrich ? Nous avons déjà semés ces cons de flics et nous sommes arrivés dans le Reich ?! »

    Un jour, je me suis rendue à Leipzig (aller et retour et séjour d'un jour...) pour un « shoping éclair » (sorte de « blietzkrieg » féminin), afin de m'acheter des godasses dans un magasin de marque - « Salamander », situé à Peterstrasse... (natürlich...)

    Pourquoi ce choix de magasin ?

    Tout le monde m'avait compris...

    J'espère bien...

    Le train, quant à lui, continuait son « bonhomme de chemin » au delà de Lipsk (Leipzig), vers Essen, Aachen (Aix-la-Chapelle - en polonais, Akwizgran), mais cela ne me concernait aucunement...

    Qu'il y aille.

    Du moins, lors de cette aventure en chemin de fer frôlant le rideau du même matériau... 

    Cependant, avec mes trois copains/copines, nous ignorions que nous étions quasi les seuls à bord de ce train à envisager de retourner chez nous.

    Nous prîmes des couchettes, car ce déplacement suggérait un « long voyage », à savoir : 555 km.

    Long trajet, parce que parsemé de pièges...

    Prenant le temps et l'attention des voyageurs stressés.

    http://www.youtube.com/watch?v=6y7tjxii2y4

    Les contrariétés, en salve, commençaient avec la douane à la frontière de Görlitz, - plutôt, Zgorzelec pour nous Polonais - où la fouille douanière, parmi les plus spectaculaires de ma vie avait eu lieu.

    Non, ce n'est pas vrai : la douane ukrainienne était encore plus « chienne ».

    Voilà, le passage des « Wopiści » (Wojskowa Ochrona Pogranicza) - la Défense Militaire des Zones Frontalières - polonais et est-allemands (au « look » exécrablement miteux), lourdement accoutrés et « à Kalachnikov »,

    http://www.youtube.com/watch?v=KtX-V4OE50Y

    mitraillette 2

    noyés dans une meute de chiens (des bergers allemands d'origine diverse) renifleurs,

    truffe 2

    surexcités et aboyant (les douaniers comme les chiens...),

    chasse à courre 2

    et exhalant de leur haleine fétide la « demi digestion » de vodka et d'ail poussé par des « corneed beef » provenant d'un stock de la dernière guerre...

    Les miroirs, plantés sur de longs manches, passaient en dessous du train, au dessus, sous les sièges, dans les couchettes...

    Les sacs à main, les grosses valises gonflées, les paquets divers dans leur emballage cadeau - tout était soumis à un contrôle de plus sévère pour détecter le moindre objet illicitement transporté et truffé dans n'importe quoi...

    De temps à autre, un « canidus goinfrus» pisteur et renifleur se plantait « professionnellement », en tombant « truffe à truffe » avec une oie rôtie

    ges 3

    dans sa graisse - à la polonaise - destinée à égayer les papilles d'un fraîchement « naturalisé » Allemand en « mal du pays »...

    Ou bien, sur la « truffe humide de phéromones » d'une petite « bichette », une chienne, Conchita,

    conchita 2

    de race chihuaha et en chaleur...

    C'était également le moment délicieux pour réciter - devant tout le monde - l'inventaire le plus détaillé de son bagage...

    D'annoncer « wszem i wobec » - « à quiconque et en présence de » - la somme exacte d'argent possédée sur soi, ainsi que le nombre de pièces de bijoux etc. etc.

    tresor 3

     

    Mais oui, Com-Et-Con obligeait...

    Parfois, cette « zoll zélée » allait beaucoup plus loin et procédait à une fouille corporelle, laquelle, grâce au ciel, n'était pas publique...

    Je crois que la seule chose qui nous restait, à nous les femmes, la chose « virginale » et « non soumise à déclaration », c'étaient nos protèges slips, braves et fidèlement attachés à nous, quoi qu'ayant vécu le voyage et le stress...

    C'était certainement pour cette raison, qu'ils avaient eu la chance de survivre...  

    On réquisitionnait tout ce qui tombait « sous la grappe », on extirpait les voyageurs gigotant d'indignation du train, on éventrait les valises et saccageait les sacs en éparpillant leur contenu partout.

    pobojowisko 2

    Par terre.

    Par Toutatis ! Quelle pagaille...

    Bref, aucune fuite n'était tolérée...

    Par contre, quelques centaines de kilomètres plus loin, et dans le même train (de ce que j'avais appris plus tard), au bout de ce « sombre tunnel oriental » : « Willkommen in Deutschland » !

    La douane ouest allemande, - fraîche et dispo, à l'uniforme réglementairement porté, - y pénétrait, toute souriante et en s'exprimant dans une langue polonaise correcte, en proposant aux « demandeurs d'asile potentiels ici présents » de remettre leurs passeports, afin de poursuivre leur « rapatriement imminent et volontaire » vers Unna Massen (près de Dortmund), un gigantesque camp d'accueil pour les réfugiés politiques...

     http://www.youtube.com/watch?v=q3QO5TCS-hI


    votre commentaire
  • DEMI RAGE


    Appuyée sur la tablette de la fenêtre de la cuisine, « parapet », j'observais lascivement un couple de choucas (en polonais : "kawka" - tout court et sans Frantz) jouant aux Stucas et se chamaillant dans la

    stukas

    couronne "feuillue" d'un peuplier poussant miraculeusement sur place et en face.

    Visiblement, l'un d'eux,

    kawka 2

    le plus âgé et expérimenté, s'acharnait sur un « jeunot » à bec jaune de son espèce, lui refusant l'accès au tronc de cet arbre, où une irruption abondante de chenilles « poilues » promettait une tournée de « miam » de qualité...

    Soudain, un planeur immatriculé à l'Aéroclub Śląski, était apparu, en glissant gracieusement entre les cumulonimbus grisasses suspendus sur notre ville...

    A quelques mètres à peine, il s'était mis à balancer légèrement et doucement de gauche à droite...

    « Youpie » !!!

    C'était le signe tant attendu : mon frère avait réussi !

    Il avait enfin réalisé son rêve - entrer à la Wyższa Oficerska Szkoła Lotnicza (W.O.S.L) - autrement appelée Szkoła Orląt - l'Ecole Supérieure des Officiers d'Aviation - « Ecole des Aiglons » - située à Dęblin.

    Après une longue série d'épreuves scientifiques et pratiques passées à Wrocław, où la concurrence s'élevait à quelques 300 personnes pour une place... voilà, qu'il se trouvait (presque...) au rang d'« Elew » - l'élève -  dans cet établissement tant convoité par tous les petits « couillus », et quelques filles, y compris « un vilain ennemi potentiel voulant attaquer notre territoire national par la voie aérienne »... (Non, pas une bronchite...)

    Après cinq années d'études théoriques, d'épreuves physiques des plus sophistiquées, y compris 600 sauts en parachute par an et des heures d'essais de nouveautés volantes - il pourrait « latać na rurach ».

    « Rura » - un tuyau, un tube, un boyau - entre aviateurs, s'était le nom commun donné aux avions à réaction à cause de leur forme fuselée.

    Toutefois, la joie de cet événement était plutôt étouffée par le fait que « Tygrys », - qui ne supportait pas le moindre "engin en construction métallique conçu pour la vitesse, tant planant, volant, flottant que de courses", - n'était absolument pas au courant des démarches, tout à fait clandestines, entreprises auparavant par son fils.

    L'ingénieur « ès » métallurgie, est-ce en sidérurgie (?) et en connaissance parfaite des structures moléculaires de tous les métaux existants, - bien rivé sur son sol stable (quoi que communiste), - sa vie durant, restait convaincu que ses descendants mâles partageraient avec lui la même fête patronale, à savoir la Saint Florian...

    Remarque : à l'exclusion cependant des pompiers, vu le danger « généré par l'insouciance humaine » autrement dit « la connerie humaine »...

    Mais, il eut encore fallu que nous l'en désillusionnassions adroitement et, bien sûr, avec tact...

    Maman, qui était au courant, et néanmoins inquiète comme toutes les mamans, n'avait qu'une seule et unique devise : il fallait exercer sa profession avec dévouement et en l'aimant par dessus  tout... 

    Quant à « Tygrys »...

    Peut-être aurait-il voulu être aventurier ...

    Un homme fort qui n'ayant pas froid aux yeux, vivrait sa vie à la conquête de pays lointains et surtout éloignés du régime politique à la coloration dominante rouge et surtout parsemée d'étoiles... tout aussi rouges.

    Nous lui avions (et voilà !) annoncé l'exploit de son fils. A table.

    En toute simplicité... « recherchée », en lui préparant de façon collective, avec un soin et une préméditation plus que perfides, ses meilleurs plats, à savoir : le « golonko »

    golonko2

    - le jambonneau au raifort, aux cornichons et avec une purée très, très longuement écrasée, afin d'obtenir une véritable « pape » lisse, à la consistance de caramel chaud...

    Ben oui, ainsi, en la mâchonnant, il serait peu « loquace » : ni « Over » ni « Roger » mais plutôt « mayday » - appel de détresse...

    En plus, il devait catalyser son attention grognant et paternelle sur la découpe convenable de son « nonosse » viandeux.

    Sans  chichis inutiles, mon frère tira droit au but : pan !

    - Papa, j'ai réussi... brillamment tous mes examens et, en octobre, j'entame mes études à Szkoła Orląt à Dęblin... 

    Derrière l'os de « golonko » d'un kilo, adroitement disposé, apparurent, au moins, trois images et plus précisément une « plateforme » blême décolorée d'aspect rond, les deux demis sphères exorbitées torves y incrustées, ainsi que la pointe d'une langue à dominante fourchue...

    Grâce à la purée servie préalablement et plus que copieusement,  les trois éléments physionomiques et faciaux commencèrent doucement à nous rappeler les traits humains du visage de « Tygrys »...

    Après quoi, une voix hésitante à haute saturation « patatesque » s'était fait entendre :

    - Mais quel con ! Quel idiot ! (Il avait dit !) Saperlip ! Tu te rends compte de ce qui t'attend ?! Avant tout, tu ne seras qu'un simple plouc ! Un con de militaire... « Jak z koziej dupy trąbka »! - « comme si du cul d'une chèvre on pouvait faire une trompette » ... (Et là... il n'aurait pas dû le dire... Oh, non, non, non...)

    - Papa je VEUX piloter les « rury » !

    - Nos « ISKRA » (en polonais : étincelle... brgh, mais c'est lugubre !) vétustes et démodées ?

    iskra2

    Les MIG ?! (en russe : instant mais un instant de quoi ? Inventés par Artiom MIkojan et Mikhaïl Gurievitch )

    mig 21 plans2

    (Fastoche, quarante ans plus tard...)

    As-tu vu QUI les construisait ! Des magouilleurs politicards et des ivrognes de russes, voilà ! Cela ne tient même pas ensemble... Ce sont des cercueils en acier ! Par contre, hmm, les MIRAGES... Leur design...

    leonardo2

    (quand même copié...)

    Je les ai vus une fois lors d'un show aérien.... Bref, qu'allais-je dire ? Il n'y a pas de miracles ! Les études « militaires » ici, même du plus haut niveau, ne valent rien... Sois ingénieur, comme « tout le monde », après tout...

    (Psittt ! Les « tous le monde » et le « après tout », c'était Lui.)

    « Tygrys » débordait visiblement de rage... (et sa portion de raifort suivie de nonosse dominant, de son assiette...)

     « Un patron expérimenté depuis des années en plomberie, accompagné de son apprenti, intervient pour une vilaine, mais alors, vilaaaaine fuite de WC.

    Une fuite largement répandue et profondément installée...

    Le Grand Chef prend l'air et plonge sa tête entièrement dans le liquide douteusement visqueux... et odorant...

    - La clé de 16 ! - crie-t-il à son ouvrier non qualifié, tout en faisant surface momentanément...

    Il inspire l'air et  replonge dans la gadoue puante...

    - La clé universelle ! - commande glougloutante et orientée vers le jeune piétinant d'impatience sur place...

    Aussitôt il replonge...

    Et refait encore « surface » :

    - Marteau !

    Voilà, après 17 répétitions de la même procédure, dégoulinant de tout son corps et méconnaissable, il se met debout, et en visant son apprenti profondément dans les yeux, il lui dit :

    - Regarde bien et retiens ça dans ta petite tête, petit con. Il faut beaucoup, beaucoup étudier pour devenir un vrai, bon plombier ! Dans la vie, il ne faut surtout pas de se contenter de passer bêtement et continuellement les outils aux autres ! » 

     

    Et puis, subitement, il s'était adouci...

    Réfléchissait-il ?

    En tous les cas, on aurait dit que sa tête s'était « aventurée » un petit « mig » dans un de ces quatre éléments qu'il ne maîtrisait point et qu'il craignait tant... et qu'une « iskra » de fierté s'y allumait...

    Et comme d'habitude, dans ces cas d'extrême contrariété, il s'était rendu chez son coiffeur, Alfred.

    C'est pourquoi il conservait toujours cette coupe très, très courte « à la brosse »... et plus tard mon frère, rasé « la boule à zéro » à son école,  son sang froid et... sa place bien méritée, parmi les « elew » de W.O.S.L.

    http://www.youtube.com/watch?v=ldPgDZBSVUA

    Après leur passage à la « tonte », le quartier entier s'était mis à vibrer et « admirer » mon frère comme un héros...

    petrie

    Nous avons alors officieusement compris que le sujet était clos, et que mon frère (Garde à vous !) pourrait aller étudier à « son école »,  à condition qu'il essaye de piloter autre chose comme « boyau à fuselage métallique » qu'un MIG ou ISKRA...

     (Kra, kra, kra ! Disaient les corbeaux locaux ...)


    votre commentaire
  • LOTS TERRRRIBLES...


    A l'occasion du Carnaval et afin d'espier aisément et de près les diverses couches internes des travailleurs assidus et méritants, l'usine de papa, comme chaque année, organisait un grand bal...

    Un bal gigantesque et comptant, au bas mot, quelques 800 personnes, parfois plus.

    Mes parents, soucieux de leur « image de marque sociale », y allaient.

    Papa contre son gré, et à la seule condition d'y assister avec une meute de ses amis et connaissances travaillant dans la même aciérie.

    Pour cette soirée, les préparations vestimentaires les plus délirantes frôlaient le drame domestique et la séparation du couple lorsque mon père essayait ses vêtements pour cette « parade para-usinale » et nocturne.

    Ayant décidé pendant l'hiver de convertir des calories surnuméraires en kilos superflus, les rondeurs, quoique locales, qui le décoraient dans les parages de sa taille contrariaient cruellement son désir de revêtir son ancienne chemise de circonstance ou/et son costard de fêtard...

    grubas 2

    http://www.youtube.com/watch?v=TjDHnT8ymV8

    Agacé, il était intimement convaincu que le rétrécisshttp://www.youtube.com/watch?v=TjDHnT8ymV8ement  sournoisement « saboteur » de la taille de son « accoutrement vestimentaire festif » n'était dû qu'au mauvais traitement et à la malveillance de maman, en bref, à un complot conjugal de sa part.

    Je suis sûre que c'était uniquement dans le but de pouvoir s'acheter de nouvelles fringues...

    Heureusement, les seules pièces fidèlement attachées à son maître et à son cou,  étaient les cravates...

    Et encore fallait-il les inspecter de près pour ne pas omettre une trace d'alimentation frugale de l'année écoulée sous forme d'une auréole jaunasse...

    Quant à maman ?

    Elle savait ce qu'elle allait mettre... Et si elle n'hésitait plus du tout... c'était parce qu'elle avait déjà fait son choix depuis plusieurs mois.

    Le soir même du départ, maman, calme et résolue, avec une myriade de minuscules étoiles brillantes dans les cheveux,

    etoiles de mer 2

    un ensemble en soie de couleur prune moiré, un petit sac en strass et paillettes de la firme tchèque « Jablonex », des escarpins à talons aiguilles, commençait sa looooongue attente de papa  dans le « salon à télé », debout, en essayant de ne pas chiffonner sa robe gonflée grâce à la présence d'un dessous en « tulle » amidonné et longuement repassé.

    halka 2

    Deux heures plus tard... et largement en retard, Tygrys était prêt !

    http://www.youtube.com/watch?v=O0p9qMUSIgc

    La salle de bal comprenait des longues tables à nappes blanches où les places étaient attribuées selon des critères "purement démocratiques" et sélectifs, et imposées par les organisateurs.

    Ainsi, la direction - une trentaine de directeurs - avait leur propre table de « haut gradés », à proximité bien sûr de la scène, et cependant respectueusement éloignée de celles des « simples cadres », les  ingénieurs.

    Les techniciens et parfois même (!) les ouvriers désireux de franchir « le cap » en fréquentant les « privilégiés » s'entassaient loin de cet « autel dominant », y scène comprise...

    Une centaine d'épouses (sur 800) se regardaient de travers en constatant que leurs toilettes de soirées « couraient visiblement les rues », car elles étaient toutes vêtues identiquement.

    Dans la mesure où l'uniformisation en Pologne excellait, et que chaque profession ou poste avait son propre « uniforme », les participants au bal ne pouvaient qu'admirer les silhouettes plus au moins « sveltement » allongées ou « volumineusement » entassées... de ces « mannequins d'une nuit et de toutes tailles » 

    Dans l'obscurité presque totale se trouvait une longue galerie de lots de tombola.

    Ah ça, une concentration de gens en liesse et sans tombola, sans cette lotterie, serait un sacrilège...

    Une série d'objets estimés comme « bâtardeux », car surtout non voulus, douloureusement « collant », abandonnés chaque année par les gagnants qui, habitués et toujours déçus, les laissaient sur place pour ne pas encombrer leurs poubelles, ou les planquaient discrètement sous la table, sans en apprécier ni leur beauté ni leur utilité.

    De temps à autre, un des beaux lots disponibles disparaissait largement avant le tirage officiel de la tombola...

    Comme dans le film de Milos Forman (que j'adore) « Au feu - les pompiers », où au bal des pompiers dans un bled quelconque tchèque, une « tête de veau », - lot n° 1, avait disparu de la table de tombola...  

    tête de veau 2

    Le grand Chef des Pompiers, courroucé, lance un appel aux participants en goguette, en réclamant une extinction momentanée de la lumière dans la salle afin de faciliter la restitution de ce bien consommable...

    Avec stupéfaction, ils découvrent que... 

    http://www.youtube.com/watch?v=irAKQ9yqsC0

    Après quelques verres de vodka (pour le courage), le joyeux peuple festoyeur  de l'usine de Tygrys, s'adonnait à la danse sur la piste, dans des rythmes bruyamment suggérés par un orchestre en vogue.

    Et ils twistaient (de : « Twé, viens danser),

    http://www.youtube.com/watch?v=aWaJ0s0-E1o

    swinguaient (de : Aloïs, viiiieng sur la piste), valsaient (de : Il va s'écrouler...) polkaient... tcha-tchataient... et rumbaient (de : Il y a rhume là, dans l'air...).

    Quelques uns, ceux qui avaient abusé de vodka mélangée à d'autres « cocktails » et breuvages traîtreusement multicolores et sirupeux aux résultats assez spectaculaires  en « arc en ciel »... et à haute teneur en alcool, « tanguaient » dangereusement « Tango z różą w zębach »...

    http://www.youtube.com/watch?v=Fa9k8ff3l8c

    Et cela, sans rose (róża) entre les dents (w zębach) et sans partenaire entre les bras...

    En « arc en ciel » car, en polonais, c'est une preuve visible et gênante d'une indigestion grave où « puszczać pawia », veut dire : "lâcher un paon"... et tout le monde connaît ses/ces couleurs...

    « Un morceau d'œuf dur tombe dans la poche stomacale. 

    Il se blotti aussitôt, affolé, contre la paroi gauche...

    Arrive à son tour « sałatka jarzynowa » - la salade de légumes cuits, finement coupés en dès, et se place à droite, méfiante à la vue du morceau d'œuf devenant vert...

    Puis, une croquette aux champignons des bois, douteux...

    Puis une gorgée de vodka et de « barszcz », la soupe aux betteraves rouge, qui se répand immédiatement sur les autres.

    Ah ça non !

    Et encore deux gorgées de bière « Tyskie », et une cuillère de « bigos », la choucroute...

    Le cornichon, en arrivant, commence faire des siennes...

    La foule y devient dense...

    Voilà une « szarlotka », tarte aux pommes, suivie d'une gorgée de Vermouth blanc et "très bulgare"...

    Empilés les uns sur les autres, ces composants commencent à se chamailler et à cracher leurs stress acide...

    L'ambiance devient gonflée d'hostilité et plutôt imbuvable...

    Et qui en plus ?

    Flop ! - 100 ml. de cognac « Napoléon », - hilare et comme d'hab' le « meneur » s'y déverse à son tour.

    A la vue de cette Bérézina stomacale, il s'arrête juste au niveau des amygdales en hurlant vers le bas :

    - Allez les gars ! C'est par ici la fête ! On sooort ! »  

    Le lendemain, une « tournée générale » de gueule de bois,

    zaba 2

    en polonais - « kac », en allemand « Katzenjammer », - submergeait les noceurs, tout en leurs épargnant un choc à la vue des ces lots de tombola, gagnés de force...

    Quoi que... Certains, parmi les plus sévèrement atteints, appréciaient énormément leur trophée fraîchement gagné, et se présentant à leur proximité sous la forme d'un « kit de la mer » pour les gosses, comprenant un seau de couleur bleue, une passoire jaune, une pelle rouge et un râteau vert - le tout en plastique bien commode... 

    wiaderko 2

     


    votre commentaire
  • PAS-TRISTERIE

     


    Des vapeurs hautement saturées en graisse de porc, le saindoux, - mélangées avec des sucres rapides, - flottaient soudainement dans notre appartement !

    Maman entamait ("ta, ta - taaam !" - d'où le verbe « entamer »...) ses merveilleux « faworki » - ces petits gâteaux délicatement croustillants et cassants comme des brindilles de bois pour faire démarrer un feu, également appelés « chrust » (khrouste)...

    chrust 2

    J'adorais particulièrement cet « atelier cuisine », et je me mettais à la tâche avec plaisir ...

    Les « Faworki » étaient consommés essentiellement en période de carnaval, qui commençait en Pologne le 31 décembre, et ils  garnissaient gracieusement et esthétiquement nos "plats de grand'mères en cristal" les derniers jours précédant le Mercredi des Cendres.

    faworki finis 2

     « Ostatki » - les restes, la fin - c'était aussi le nom d'une série de fêtes organisées la soirée même du Mardi Gras, lesquelles devaient absolument prendre fin à minuit...

    http://www.youtube.com/watch?v=w8OmEAYwulo

    Voici une suggestion :

    FAWORKI

    Ingrédients :

    - 2 verres de farine fine à pâtisserie

    - 4 jaunes d'œufs
    - 1 cuillère à soupe de « spirytus » (ou autre alcool fort et aromatisé, comme du rhum)
    - 1 pincée de sel
    - ¾ de verre de  crème fraîche épaisse - onctueuse

    - huile pour friture
    - sucre impalpable pour saupoudrer
    Et beaucoup, beaucoup de feuilles d'essuie-tout pour « dégraisser » les vilains...


    Préparation

    Travailler la farine (tamisée), les jaunes d'œufs, la crème fraîche, l'alcool et le sel afin d'obtenir une pâte homogène.

    Travailler vigoureusement la pâte jusqu'à l'apparition de poches d'air (pft, pftft, pfffft).

    Etendre la pâte le plus finement possible à l'aide d'un rouleau à pâtisserie (les hommes : gentils, doux, gentils... - on bouge pas) puis la couper en bandelettes de 2 cm. de large et 10 de long.

    Tailler longitudinalement une fente au milieu (1 cm.).

    Faire un nœud en glissant une extrémité de la pâte de l'autre côté.

    faworki 2

    Faire frire à l'huile bien chaude (à la friteuse).

    Dès qu'ils réapparaissent à la surface, attendre 1 à 2 min. et les retourner.

    Lorsqu'ils deviennent dorés, les prélever sur une couche épaisse d'essuie tout.

    Couvrir de sucre impalpable.

    Parallèlement au « chrust », qui est d'une forme plutôt allongée, les pâtissières expérimentées confectionnaient, avec la même pâte, les « róże karnawałowe », les roses du carnaval, mais ça...

    roses 2

    Je ne les ai jamais réussies... en roses, par contre dans le genre « cactus » tordus... Tout plein. Souvent...

    « Une bobonne, estimant être harcelée sexuellement par son époux, lui avait offert une grenouille « qui pourrait subvenir à tous ses fantasmes masculins les plus obscurs »...

    Faisant chambre à part depuis quelques semaines, la dame s'était réveillée en pleine nuit, interpellée par des bruits suspects provenant de la cuisine...

    Au milieu d'un tas de livres de cuisines et de casseroles, se tenait son mari, avec la grenouille sur les genoux.

    - Bigre ! C'est quoi ce vacarme ? - demanda l'épouse intriguée.

    - Ce n'est rien... J'apprends à cuisiner à cette grenouille ... C'est la seule chose qu'elle ne savait pas encore faire. Maintenant il ne nous reste que quelques conseils sur les soufflés, les terrines et « faworki », et voilà... - répond le Grand Chasseur.

    - Oh, mais c'est très bien ! Et puis...

    - Et puis ? Tu dégages ! Tu rentres chez ta mère ! »

     

    Il y avait également les « pączki »,

    paczki 2

    ces boules de pâte à base de levure, frites dans la graisse, après quoi il fallait injecter à l'intérieur de la confiture de rose (le mieux) ou de la crème fraîche battue...

    Une merveille...

    Appelés en silésien « krepel » parce que :

    http://www.youtube.com/watch?v=qBP5Qyxowug

      En 1529, lorsque l'armée turque (sous le règne du sultan Soliman I - "Aïe la Trouille") avait assiégé la ville de Vienne, une certaine et gentille Frau Krapf (ja, ja, ja...) avait distribué gratuitement ses propres « viennoiseries », sous cette forme, aux soldats autrichiens affamés.

    http://www.youtube.com/watch?v=JR0InF7LK1o

    Et puisque chacun de ce « pączek » possédait au moins 150-190 calories, les soldats « caloriquement » repus avaient mis fin au siège ottoman en quelques semaines, à peine...

    Remarque : Moi, en nageant intensivement le « papillon » pendant 30 minutes, j'en « éliminais facilement » deux petits "krepel"...

    nage-papillon2

     (même pas peur...)

    La difficulté pour confectionner ces derniers résidait dans leur caractère tant farfelu, que versatile et infiniment précieux.

    Parce que EUX, ils devaient « se reposer », bien au chaud sur nos radiateurs douillets en fonte, pour gonfler harmonieusement.

    Or, dans notre appartement il y avait toujours l'un ou l'autre « typhon » qui rentrait de l'extérieur (forcément de l'extérieur...) en trombe et dans une auréole de courant d'air... froid et sec... (climat continental - sibérien), en criant joyeusement "bonjour" et en se ruant directement dans la cuisine.

    L'accueil de maman à ce moment là était alors surprenant, mais cependant compréhensible.

    Et surtout impoli...

    - « Et zuuuuut ! (O, Jezu ! - Oh, Jésus !) Regarde ? Encooore ! Mes « pączki » se sont dégonflés... »

    Effectivement à voir « la gueule de ces pavaneurs privilégiés »... Ils n'avaient plus rien de « vaillants »...

    Mais oui, rien d'étonnant, car, - après le passage de trois voisines à la « recherche d'un dépannage en farine ou en saindoux », de Ciocia Lola (la copine « germanisante » de maman), de nous, d'un facteur, d'un plombier et d'autres allochtones sollicitant maman, - les pâtisseries à base de  levure étaient proscrites chez nous.

    Maman était la reine des « faworki ».

    http://www.youtube.com/watch?v=_7ZmhEGFHj8

    Comme de toutes les autres pâtisserie, mais « non levureuses »...

    Avec ces ingrédients (dont on doublait parfois les proportions) si modestes, tant en qualité qu'en quantité, nous parvenions à former quelques 150 pièces, ou 300, lesquelles disparaissaient ensuite en quelques heures dans nos gosiers.

    Eh, oui... Parce que le Mercredi des Cendres, nous jeûnions toute la journée, et il fallait faire de fameuses réserves pour affronter héroïquement les messes et autres confesses, ainsi que toutes les autres prestations paroissiales, hélas, obligatoires...

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique