• MAIS - LAIDE !

     

    « - C'est vraiment horrible de vous voir ! Vous êtes laide ! Visqueuse et gluante ! En plus, avec vos yeux globuleux... On dirait, exorbités... Avec cette teinte « verdasse » ! Les lèvres couvertes de bave ! Ce n'est pas bien, du tout ! Pouah ! - avait annoncé cruellement le lion à la grenouille.

    - C'est... Parce que... ces dernier temps... j'étais un peu malade... - répondit la grenouille d'une voix faible, imprégnée de confusion. » 

     A la mi-décembre, en me couchant, je ressentais déjà un genre de « gêne » dans mes « tuyaux respiratoires »...

    Comme une brique grossièrement broyée dans la gorge.

    Les amygdales volumineuses comme des citernes de pétrole.

    Ma voix, à la « Dobranoc » - « Bonne nuit... les Petits » - devenait rouillée et les seuls sons que je parvenais à sortir, ressemblaient à ceux, sortis régulièrement sur disques, par Rod Stewart ou Bonnie Taylor (sur des chansons diffusées par une certaine « Rewdiooooo Laaaaxymbewwwwg » au travers de notre petit poste « transistoreux », Sokol, - de production russe).  

    Aïe !

    La nuit se passait très mal...

    Le matin, à 41,5°C, j'étais prête à bouillir... comme un hydrocéphale qu'on fait sécher trop près du feu ouvert.

    Dans ces cas-là, maman était toujours, dirait-on, fâchée et « paniquante ».

    Croyant que c'était de nouveau un subterfuge pour échapper à la « klasówka » - contrôle de math - elle se jetait d'abord vers mon « dzienniczek ucznia » - mon journal de classe - d'élève, afin de connaître le programme des cours pour ce jour là.

    Et si ni les maths ni la physique n'y figuraient, son ton s'adoucissait et devenait soudain chaleureux et compatissant...

    Ensuite, elle en devenait « presque humaine ».

    Mes « filtres » respiratoires avaient besoin d'être auscultés avec soin par un médecin.

    - Pani Halinka ! - criait maman en se rendant aussitôt, deux immeubles plus loin - en diagonale, à gauche.

    La doctoresse de famille, attitrée, - Halina N.

    HN1 - car il y avait une deuxième Halina N.,  - l'exécutrice, le bourreau, - dans un immeuble, - en diagonale, à droite, - et l'infirmière, - HN2...

    Les deux se complétaient à merveille !

     La première : - Dis ââââ, - Rhrhh (seul son audible à la sortie) - après un savant prélèvement de la « brique broyée», située dans le fond de ma gorge endolorie (et ressemblant à un grand fourneau de type « Martens », de l'usine paternelle),

    siderurgie 2

    me prescrivait des pilules sensées soulager ces maux et au goût douteux, suivies de « gargarisation » (je pensais toujours à Gagarine...) d'un mélange « tièdasse » de Hinosol, dissout dans de l'eau (décevante « infection » puante, d'une couleur hésitant entre « verdâsse » et « jaunâsse »), ET... une série de quelques 15 piqûres d'un puissant antibiotique, en vogue dans les pays des comms , - Polbicilline... Celles là...

    Un humiliant « à poil » - le stéthoscope

    sthétoscope 2

    glacialement hostile (venant directement de la température extérieure de -25°C...), se collant sur ma « surface corporelle chauffante », pour entendre le cœur et les poumons...

    Qu'est-ce qu'il y avait de si intéressant à y écouter ?

    Heureusement : c'était une « vieille femme » de 40 ans, si non je me serais décomposée de honte sur place, devant un jeune et beau docteur, comme Richard Chamberlain incarnant le rôle du Dr Kildare dans la série américaine du même titre ! 

    Oufff !

    Re-aïe !   

    Alors que j'agonisais péniblement après cette visite éprouvante, la HN2, faisait son apparition - en toute beauté, parfumée, maquillée et souriante, escarpins à aiguilles (en hiver ?! Oui, mais c'est bientôt Noël !) - comme d'habitude...

    szpilki 2

    Evidemment, pour elle, piquer les fesses des malheureuses victimes, était un bonheur pur et maladroitement caché...

    Radieuse et déterminée, accompagnée des cliquetis infâmes du matos de torture enfermé dans un boîtier en métal, sitôt, elle se mettait à stériliser ses aiguilles (pas ses godasses) en les cuisant dans notre cuisine.

    La tête me tournait de plus en plus fort.

    Ce que je détestais le plus au monde dans cette situation c'était, dans l'ordre : 

    Primo : ses propos stupides: Tu verras, ça ne fait pas mal... Alléyyyy, une grande fille comme ça n'a pas peur d'une toute petite piqûre de rien du tout !

    Des clous !

    Secundo : cette « agression » sournoisement malicieuse, et par derrière (car je devais toujours voir ce qui se préparait) d'une aiguille, du diamètre d'une paille à orangeade, qu'elle enfonçait d'un coup sec dans mon muscle fessier, gauche...

    igla 2

    Ouïïï !

    - A demain ! (encore 14 demains... Pitié ! Kurdemol !) 

    Notre HN2 quittait les lieux, se réjouissant d'ores et déjà d'aller « percer » d'autres fesses de petites « Żabusie » - grenouilles et « Wilczki » - de petits loups (en version mâle)...

    Enfin le repos - la paix - le silence...

    Je constatais que mes fesses me faisaient mal surtout largement après.

    La solution médicamenteuse, farineuse, peu diluée, faisait une bosse et la position couchée m'était franchement insupportablement hideuse.

    A peine une bonne position trouvée, je tombais dans les « vaps ».

    La chambre se mettait à tournoyer, tout devenait silencieux, irréel - comme dans de l'ouate...

    - Chodź, chodź Żabusiu, c'est l'heure des médicaments. Viens, viens, tu vas te gargariser la gorge avec le... (Gagarine ? Non, toute seule) Hinosol.

    Et hop, debout - les yeux exorbités, la gorge plus que serrée :  

    Une gorgée avalée...

    - Noooon !

    Une gorgée « coassée »...

    - « A la grenouille », Żabusiu !

    - Grrrrrrrrrr... Hrrrrr.... Gloup !

    - Noooon ! T'as encore avalé ?

    - Ha allait hou heul hans ha horrrhhhee...

    Ce « cocktail » était ensuite « poussé » par une Pabialgina, la vile « paracétamoleuse ».

    Maman n'aimait plus les « tabletki z krzyżykiem » - pilules à croix, - vu qu'il n'y avait ni  posologie ni  composition pharmaceutique, ni, en fait, aucun producteur qui souhaitait se manifester afin d'en prendre le bénéfice...

    Après cette consommation frugale je m'écrasais dans mon lit douillet.

    - On va prendre ta température ! Mon Dieu, tu es bouillante ! Encore 41,5°C !?

    Je pensais alors qu'à ce moment précis, les protéines existant dans mon organisme allaient se solidifier comme le blanc d'un œuf dur !

    Le lendemain, la cérémonie de « piquage » recommençait - sur la fesse droite.

    Et puis, en alternant : la gauche, et puis la droite... 

    Après deux semaines de souffrance intense, pâle et livide, les yeux cernés, je me rendais, en titubant à l'école... pour une seule journée car les congés de fin d'année commençaient...

    Niah, niah, niah !

    Merci Saint Nicolas !

     Aâââââhhhh... - pensais-je, - ce beau Docteur Kildare... avec son "stéthoscope chaleureux"...

     http://www.youtube.com/watch?v=PJPtSA5M7k0

    « - Je suis immensément surprise et plutôt ravie, de voir, à quel point la médecine a progressé ! Quand j'étais jeune tous les médecins me demandaient de me déshabiller complètement pour m 'ausculter. Et maintenant, après toutes ces années écoulées, vous, docteur, vous voyez tout uniquement par ma bouche largement ouverte... - disait une vielle dame au médecin l'auscultant... »



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  • FAITES LES FÊTES !

     

     Le charme hivernal de décembre était cependant rompu pour cause  de messes en série - sournoises et furtives - « roraty » - la période de l'Avent, où pendant quatre semaines le petit Jésus descendait (du ciel) une marche par jour pour, à Noël, pouvoir se coucher, fatigué, dans son berceau d'origine, dans une crèche aménagée dans chaque église.

    Les enfants devaient élaborer des petits lampions en carton et papier - « bibuła » - multicolore, où il fallait placer une petite bougie.

    Tous les matins, avant le lever du soleil, les petits feux accompagnaient de véritables processions de gosses galopant à toute vitesse car ce devoir catholique s'exécutait juste avant les cours à l'école.

    lampka roraty

    Tygrys, voyant ces luminaires maladroitement rafistolés, ne cachait pas son irritation :

    - Mais enfin ! As-tu vu comment ça tient ? C'est pour s'immoler à tout bout de champ - vitupérait-il.

    - Mais non, mais non - le rassurait maman. Tout le monde est passé par là, et jamais rien n'est arrivé ! Tu exagères...

    - Ah ? Parce que tu penses que ce sera Saint Florian qui les protégera ?

    Dans sa culture spirituelle et peu catholique, papa ne connaissait qu'un seul saint, en l'occurrence, Saint Florian - le patron des pompiers et des métallurgistes.

    Il le connaissait bien (sans trop le côtoyer) car à son usine, chaque année, le 4 mai (curieusement à ce que cela puisse paraître) les travailleurs métallos fêtaient ce saint, et pas Roger Moore...

    NB. Pour papa c'était le moment de refuser quelques médailles dites, « de mérite »...

    Et il avait raison, parce que de temps à l'autre, un « ange » ou l'autre faisant partie d'un tel déplacement, frôlait fréquemment diverses brûlures.

    En fait, le Saint Eloi (Eligiusz) - patron de « ceux qui touchait  les métaux », donc les orfèvres (?), les bijoutiers (?) - en Pologne !? - les mécaniciens, - tout plein - ne correspondait guère au climat général comm.

    Hormis les mécaniciens, il n'y avait pas des masses de ces autres « toucheurs » de métaux.

    Quoi que...

    D'autres - « enfants de Saint Eloi », pullulaient abondamment dans nos parages, richement garnis en fonte, fer et autres non ferreux.

    cyganie 2

     Les Tsiganes - depuis 1970 nommés officiellement les « Rroms » - Hommes,

    http://www.youtube.com/watch?v=i6Bh0sdhW70

    - ceux qui ont « CD » à nos autorités en acceptant une vie, plus en moins, sédentarisée dans notre ville.

    Cette action de sédentarisation, menée dans les années 70, à graaande  envergure, s'appelait le « Grand Halt ».

     En fait, ils sont apparus, du lointain Tibet, sur le territoire polonais aux alentours du 9ème  siècle et une de leurs « kamora » - Bergitka Rroma s'était établie sur quasi l'entièreté du sud de la Pologne.

    Initialement, ils s'étaient spécialisés dans le ramassage de « złom », de la ferraille, pour devenir, plus tard, de véritables « orfèvres » en cette matière, -  mondialement connus.

    sztabka zlota

    Un bon Rrom - Homme doit errer, baguenauder, vaquer - rester toujours en éveil et en mouvement, conformément au dicton « Dopóki nogi chodzą, usta jedzą » - Tant que les jambes marchent, la bouche mange...

    Une autre règle stipulait, que si un en avait de trop, il fallait partager avec les nécessiteux... Eux.

    Jusqu'à nos jours ils resteront les connaisseurs incontestables de la fonte, du cuivre, du laiton...

     szpula_miedz3_x

    Le mois de décembre fournissait également d'autres fêtes, et la Silésie entière festoyait, quasi non stop.

    La question : « Qu'est-ce que vous fêtez ? » - était toujours immédiatement corrigée en « qu'est-ce que vous faites ». 

     Sainte Barbara, la patronne des mineurs, Saint Nicolas, patron des écoliers et étudiants et puis les fêtes de fin d'année...

     Une délicieuse série de jubilations des plus joyeuses en cascade !

     Et cette pluie de cadeaux ! A profusion !

     « Cher Saint Nicolas,
    Je voudrais les skis rouges pour une descente rapide, les patins de glace pour le patinage artistique - blancs, et une angine rouge ou blanche pour les exams de fin d'année. »
    - écrivais-je en toute confiance.

     Et malgré mes efforts en communication céleste voilà les résultats :

     - un béret bleu - crocheté (par Saint Nicolas, peut-être, hein ?) - youpppppiiiie !!!

    plandeka

    - une écharpe rose effectuée avec les restes de laine « d'un bouc couilleux de moi inconnu des Tatras » - tricotée - youppiee !!

    maly baran2

     

    - une paire de gants à cinq doigts ou une magnifique paire de pantoufles brodés, de confection montagnarde - youpie (tout court...)

    rekawiczki

    - un « kołnierzyk » neuf - bof... Blanc et en coton - c'est con...

    - une broderie à soie ? - n'importe quoi,

    - un sac de courses, brodé - rien à cirer,

    Puis ?

    Où était donc cette poupée, presque « dans la poche », qui fermait et ouvrait les yeux ? Hein ? 

    Pourtant, au magasin, je l'avais clairement montrée à maman (et à Saint Nicolas par une pensée intense et insistante...), et en plus, avec mon doigt pointu :

    - Je veux cette belle « lala » - poupée - aux yeux fermés...

    - Mais, Żabusiu, ce n'est pas une poupée, - il s'agit d'une vendeuse qui est bien vivante mais seulement endormie..., mentait-elle, comme tous les grands.

    Auparavant, un jour, Saint Nicolas est venu chez Pinocchio.

    - Je vois que tu n'aimes pas le petit animal que je t'ai donné.

    - Parce que je voulais un chiot ou un chaton !

    - Désolé, il n'y en avait plus en stock... Hélas, c'était le cas pour tout le monde...

    - Mais ce castor me fiche la trouille ! »

    Les Polonais, pratiques et non fortunés, raffolaient, hélas, de fabrication de cadeaux « maison »...

    Parfois ils offraient en guise de cadeau celui, reçu antérieurement de la part des autres...

    Dans le même cercle d'amis de mes parents, et après quelque temps, le même présent de jadis, après avoir « fêté » un tour complet, se retrouvait en possession de son généreux donateur initial... Gênant mais couramment répandu...

     Après tout, ce le fait d'offrir et l'effet de fête qui compte...

    !( Calèche ! Champagne, caviar!)!

     

     

     


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  • HÉ - BERGER

     

    Et les hivers rudes s'éternisaient...

    La glace se répandait partout, et surtout, sur les trottoirs couverts de neige fraîchement tombée - propice à un accueil brutal des gens lourds et vite déséquilibrés, car transformés en « meules de foins » géantes...

    La vie ralentissait - on marchait prudemment en essayant de limiter les dégâts collatéraux, dus à cette nappe blanche.

    Dans le complexe sportif du parc situé près de mon école,  les terrains de basket-ball étaient aménagés en patinoires naturelles, où, tous les gosses, parfois accompagnés des leurs parents, s'exerçaient au patinage.

    pingwin

    De temps à autre, des meutes de jeunes « chuligan » (voyou - en polonais), nous agressaient en nous roulant et frottant vigoureusement dans la neige.

    Parfois, lorsque la température externe chutait à -30°C, nous étions dispensés d'école.

    C'était merveilleux...

    Collée contre la fenêtre (couvant déjà une angine), j'observais les oiseaux et les humains engourdis par le gel. Avec maman, on leur donnait à manger et à boire (uniquement aux oiseaux), car c'était à ce moment là - ce que j'avais appris -, qu'on pouvait mourir de déshydratation...

    Justement, à propos de boire et d'une agréable, pour certains, l'hydratation ... notre quartier était connu par toute la population de Katowice car nous avions à 100 m. à vol d'oiseau, une « Izba Wytrzeźwień » - une « Cellule de Dégrisement ».

    Une fois, par la petite fenêtre, j'ai pu voir (pour me rassurer) à quoi cela ressemblait : un dortoir d'une quinzaine de lits aux draps propres et amidonnés accompagnés de chaque côté d'un seau. Une salle de douches à haute pression pour « dessoûler » rapidement les hébergés de force...

    degrisement

    Toutes les nuits, un véhicule spécial, à gyrophare jaune, faisait sa tournée en ville guettant tout amateur d'alcool (vodka ou vin frelaté et bon marché, appelé couramment « Jabol » - de jabłko  -une pomme) précocement endormi ou simplement chu par terre, alors que la fête était à son comble.

    Plus tard, j'ai entendu parler d'établissements semblables dans les régions, dites froides, de la Russie.

    Rien d'étonnant : un « pijaczek » - « menu buveur », après avoir chanté à tue-tête en solo ou en chorale momentanée, sa célèbre « Szła dzieweczka do laseczka... », s'écroulait, endormi, en position de « cloporte » (ventre en l'air) en gigotant parfois faiblement ses pattes-membres partiellement gelés, frôlant une mort certaine...

    Mais juste avant :

    « Il sortait de son « débit d'alcool » préféré vers le parc le plus proche afin d'uriner.

    Il se cognait contre un tilleul :

    - Oh, pardon, m'sieur...

    En slalomant, - clac - contre un chêne :

    - Veuillez m'esssscuuuseer, m'sieur...

    Contre un frêne (car le parc était toujours fortement boisé) :

    - Przepraszam najmocniej (« je m'excuse très fort »).

    Déboussolé, il s'installait, enfin, sur un banc salvateur :

    - Djab' ! Quelle foule aujourd'hui ! Je pisserai, tout compte fait, quand tout ce monde sera parti ! »

    Ramassé à temps, et après une bonne nuit de repos, au chaud et au propre, il se retapait - surtout à la vue (encore trouble), de l'addition qui lui était présentée, à savoir 30% de ses revenus mensuels.

    C'était de vigueur pour toutes les catégories de travailleurs et cette amende, à régler immédiatement, était calculée individuellement, par rapport au salaire perçu.

    Et puisque tout le monde chez les comms avait du travail - ils étaient tous délicieusement solvables ! En cas de manque de liquide sur soi - soit dans 100% des cas - la facture était vilainement et directement adressée droit à l'employeur, lequel plus tard, décomptait la somme due, de la rémunération.  

    Les toutous du quartier, petits et grands, en paletots « de combat » tricotés par leurs maîtresses attentionnées,

    vetement chien

    et même ce vieux caniche pouilleux et miteux, « Żabka Siemienik », (celle du « kapuś » zélé), qui ressemblait à une mortadelle - tellement elle était dodue, car nourrie, essentiellement, au saindoux d'origine porcine mélangé avec du gruau - promenés par leur maître à la laisse ne risquaient rien, par contre...

    Ce n'était pas le cas des autres, Ciapuś, Misiu et Azorek, errant et non attachés (à la laisse...), car tombés dans la disgrâce de leurs propriétaires.

    La cause de limogage : ils ont osé grandir, comme ces mignons chiots de bergers allemands qui plus tard devenaient comme les chiens de Baskerville, et que nous appelions « Javohl »...

    Ils se déplaçaient en véritable meute organisée et enragée à la recherche de nourriture (non gelée), et d'une « rosette », périodiquement accueillante d'une femelle en chaleur...

    suczka2

    Eux, hélas, ils avaient aussi le droit d'être repérés et immédiatement placés dans les cages de fer ambulantes de la fourrière qui sillonnaient sans arrêt nos rues.

    C'était le boulot des « rakarz » - de cette 'spéc' humaine - spécimens, à moitié ivres, et moitié arriérés mentaux, cradots et d'une violence inouïe, dont ils se complaisaient...

    Fréquemment, dans leurs « paniers » à quadrupèdes égarés, ils découvraient les « pijaczki » endormis, prêts à être soumis au tri "quadupède-bipède", et au transport droit vers l'Izba Wytrzeźwień.

     « Dans le tram n°6 (mon préféré !) un « pijaczek » en face d'une dame :

    - Maaais, que v'zet laide ! dit pijaczek

    Silence. Ignorance mondaine.

    - Maaais alors ! Que v'zet laaaaaideee... (un renvoi juteux).

    - Mais vous êtes ivre, monsieur !!!

    - Et, deeeemain ? J'sssssrai retaaapéééé... Et vous ? »


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  • HIVER-NATION

    http://www.youtube.com/watch?v=c9jK4L06bfc

     

    Bénéficiant d'un climat continental (sibérien), la Pologne suivait sa règle de « 4 ».

    Elle et Vivaldi connaissaient les quatre saisons : froid et sec en hiver et chaud et sec en été.

    Entre les fêtes de Sainte Barbara et de Saint Nicolas, nous vivions les premières chutes de neige qui se poursuivaient jusqu'en avril, environ...

    Ainsi, tout ce qui était d'habitude crasseux et noir, devenait subitement blanc, propre et silencieux...

    J'adorais cette non couleur esthétique et élégante...

    Les skis, les luges et les patins à glace quittaient alors nos caves pour pouvoir s'adonner à toute sorte de glissage, ou de glissade, tout cela dépendant de notre volonté...

    Parallèlement au puissant service culturel de l'usine de papa, il y avait une section de la promotion du sport.

    Tous les dimanches - niah, niah, niah pas de messes - nous partions très tôt matin, avec d'autres amateurs de « białe szaleństwo » - le délire blanc, (60 km.) - dans les Beskid Śląski, à Szczyrk (comme ça se prononce !) où, par un tire-fesses nous nous installions au sommet enneigé de Skrzyczne (de même prononciation, à peu près) pour y passer la journée et ensuite en  redescendre à ski tant bien que mal à ses pieds.

    Les préparatifs débutaient déjà le samedi. Pour notre retour tardif le lendemain, maman préparait déjà un Żurek, - cette soupe merveilleuse sur base de farine de seigle préalablement fermentée, avec des morceaux de saucisse fumée et aux lardons... - miam ! miam ! - ou une soupe au pois. 

    Tous les quatre, nous avions des skis, plutôt, norvégiens, en bois compacts du frêne et partie glissante en noyer (d'origine « kk » - « kraje kapitalistyczne » - pays capitalistes) avec les véritables attaches « Kandahar ».

    wiazania

    Par rapport à la consistance de la neige, nous les fartions avec soin et amour toute la soirée. Bien lisses, patinés à chaud - ils glissaient à merveille ce qui n'était pas toujours commode lorsque la météo avait changé et lorsque la neige qui s'était ramollie gelait d'un coup... Ca, c'est pour les glissades.

    Le lendemain, dans la nuit profonde, à 4 heures, nous affrontions l'air externe de -25°C et plus... Moins ? Enfin...

    Nous marchions prudemment dans nos grosses godasses de skieurs, chargés de skis, de bâtons, de sacs à dos, au milieu de nos semblables, et dans le noir, accompagnés de délicates exclamations étouffées et peu élégantes : « Oh, kurwa ! » - oh, putain, - suivies d'un : Vlam ! (et) Patatras ! Vlam étant dû à la  perte d'équilibre et à l'atterrissage sur les fesses, Patatras, au bruit des skis tombant sur la tête de leurs porteurs.

    L'autobus « Jelcz »

    JELCZ

    d'une glorieuse production polonaise, muni de chaînes sur les roues, nous attendait déjà !

    Le « préposé à la conduite » (pan Alojz), fixait savamment notre matos sportif au sommet de son véhicule et liait le tout avec une corde parfois trop peu résistante, ce qui provoquait la perte de ce chargement sur les voies publiques et encombrées...

    Les 60 km. à parcourir prenaient quelques trois heures, si tout allait « techniquement » et « météorologiquement » bien.

    Une heure d'attente au tire-fesses saturé.

    Le stress de poser convenablement les miennes sur le petit siège, était toujours intense... Les skis en parallèle ! Attention à la bonne fixation des godasses ! Paaaaaartie ! Et zut ! Kurdemol, c'est raté !

    Deuxième essai : bop, booop, booooooop ! Ca va - ça glisse.

    On dirait qu'à cette hauteur, de 1257 m. au dessus du niveau de notre Baltique, à Skrzyczne, le monde entier s'était réuni pour « télémarker » et « kristianer ou kristianiser » - en dano norvégien - gaiement (deux techniques de descente norvégiennes).

    Un exploit y consistait en la survie, sans engelures, ni crevasses et sans geler en général, le plus longtemps possible.

    De temps à autre, dans cette jungle de trop nombreux sportifs assoiffés de dégagement d'endorphine en accéléré, nous entendions des cris de  détreeeeeesse : Aïe, aïe, aaaaaïe ! Au secours - bam, bam - poufff...

    De joie : « Juchou » (ch - est sonore) - Yahoooo.

    D'exigence des maîtres : « Lewa wolna !!! Lewa wolna ! - dégager à gauche !

    Ceux, dûs à la destruction du matos en un sinistre total : « Psiakość, cholera jasna » - sang de chien ! saperlipopette !

     NB. Notre bonne vieille "kurwa" nationale, était cependant la reine - malheureusement si bien connue sur ce globe terrestre - putain...).

    Le plus éprouvant était les passages éclairs des beaux mecs de GOPR - Górskie Ochotnicze Pogotowie Ratunkowe - les Services Bénévoles de Secours Montagnard, lesquels, à toute vitesse trimbalaient un « topogan » - toboggan - contenant un skieur ou une skieuse, dont les plaintes hautement sonores de souffrance résonnaient, amplifiés par l'écho de ceux lieux. 

    J'excellais en glissage en skis et j'étais une véritable « casse-cou » et, en un rien de temps, j'était parvenue à « émietter » en cure-dents les miens (hérités de mon frère), sur une descente qui m'était proscrite et dite « rouge », - baptisée sournoisement et « suggestivement » - « Piekiełko » - petit enfer. 

    En descendant, finalement, par une « nartostrada » - cette piste balisée et régulièrement aplaties par des « ratrak » - genre de rouleaux compresseurs en version plus légère, il fallait observer tous les signes s'y trouvant.

    Aucun écart de la piste n'était toléré... sauf ?

    Eh, oui : on apercevant un « sentier » se dirigeant vers les bois la cernant, parfois, je le suivais « pour voir », car, les jeunes chèvres sont très curieuses de nature...

    En arrivant quelque part, au bout - déception totale : dans la neige immaculée blanche, mon sentier se terminait par un petit trou jaune - d'urine, ou bien, par un inesthétique étron surgèle et fièrement dressé vers le ciel bleu limpide, comme pour le défier...

    Je pensais alors à ces nombreux sommets couverts de neige éternelle, régulièrement escaladés, explorés par des hordes d'alpinistes du monde entier, y laissant à chaque passage les fruits de leur digestion...

    EVEREST_32

    Et ce qui me terrorisait alors, c'était d'imaginer un instant, le réchauffement du climat, la fonte totale des neiges éternelles suivie d'un dégel général...

     http://www.youtube.com/watch?v=Lv0xZI6A8T8

     

     

     

     

     


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  • YAKA  NAPPER...

     

     

    Si le monde comm se catalysait sur le « culte de l'unité », en ayant son représentant en la délicieuse personne de Vladimir Ilïtch Lénine (Ilitch - patronyme de Ilya, le père - il y a beaucoup d'Ilya), l'Eglise avait son Saint Nicolas, car « Dziadek Mróz » - Père Noël n'était pas trop connu.

     

    Il y avait, bien sûr, quatre « frères Marx », dont un se prénommait Engels.

    marks_lenin_engels_stalin

    Ou quelque chose comme ça...

     bracia

    C'est ce qui me semblait à l'époque...

    Confusion !

    Dans la mesure où le régime comm n'y était absolument pour rien, en ce qui concernait le développement des liens sociaux et interprofessionnels, les Polonais, avec passion, avaient adopté le « Bridge ».

    Remarque : ni Lénine, ni Staline, ni Saint Nicolas ne jouaient certainement au bridge car il y'avait trop de personnes se tenant debout autour d'eux, et qui pouvaient voir les cartes reçues.

    Cela était sacré : « trzymac karty przy medalach » - « tenir ses cartes près des médailles » à savoir : le plus près de la poitrine ! Ne pas regarder celles des autres joueurs (ou faire semblant, comme si..., dans mon cas).

    Chacun exerçant son pouvoir, les anges pouvaient facilement et divinement contribuer à la victoire de St. Nicolas, et les acolytes de Lénine, exiger celle-ci par une insistance glauque et pressante écrite, « sur papier »...

    Pour jouer, il fallait être quatre. Les mousquetaires célèbres étaient également au nombre de quatre pour en faciliter le jeu ?

    C'est à croire...

    4 mousquetaires

    Sous ce prétexte, les joueurs complices pouvaient aisément échanger leurs opinions sur certains « zélés comms » de notre entourage politisant.

    Nous n'avions pas eu le privilège de posséder de téléphone car, dans le passé, papa avait officiellement refusé ces quelques médailles qui lui avaient été octroyées de la part du bureau local du parti comm.

    Ainsi, les joueurs assoiffés de jeu bougeant souvent en couples, les amis de la famille se présentaient chez nous, sans prévenir, à l'improviste.

    Le travail en Pologne, et pour la plus part des gens, se terminait vers 15 heures et donc, à partir de 17 heures, les visites pouvaient commencer.

    Le club de bridge se situait dans la chambre « à télé » (donc pas de télé pour nous !) et, en général, pour « s'en griller une », ceux qui faisaient  « le mort » (je n'aimais pas cette expression), passaient par notre chambre de gosses afin de déborder sur notre petit balcon, car la cigarette, dans notre espace d'habitat, était absolument proscrite.

    Papa, non fumeur intolérant, était tellement enragé contre la cigarette, qu'il était prêt à céder à tout autre méfait comme ceci :

    « Dans un immeuble du quartier, un beau soir :

    - Maryśka, qu'est-ce que tu fous là, dans les buissons ?! - cria une mère sévère.

    - On se fait de « papouilles » !

    - Avec qui ?!

    - Avec Janusz !

    - Aaaah, ouffff, ça va alors, que Dieu soit loué ! J'avais déjà peur que tu fumes ! - répondait, soulagée, la mère de cette « cuisse légère.»

    Mais que faire d'autre, si un vieux dicton de bridgeurs stipulait que : « karta lubi dym » - la carte aime la fumée...

     NB. Il y en avait un autre, généralement destiné aux buveurs de vodka : « rybka lubi pływać» - le poisson aime nager - car dans tout les locaux gastronomiques, en commandant de l'alcool, il y avait une obligation de prendre un « en cas » - « zakąska » - à mordre - sous forme d'un « hareng à la japonaise » (à la crème surette) ou de sardines à l'huile pour pouvoir mieux supporter l'effet dévastateur de l'alcool... et recommander encore et encore et encore - plus...    

    La vieille tradition hospitalière polonaise dictait que tout le monde, sous le même toit, devait prendre un repas commun.

    Le « miracle » de maman était posé en étroite collaboration, sans doute, avec Jésus, le « Multiplicateur de denrées alimentaires » dans la mise en valeur de résidus-traces-quelconques-de nourriture-quasi-inexistantes-dans-notre-frigo.

    Il fallait faire une « kolacyjka » (de « kolacja », - collation. A chaque fois au diminutif, lorsqu'un Polonais est joyeusement concerné...).

    Et comme il n'y avait rien pour nous quatre,  il n'y avait rien pour eux huit ! Na !

    La maestria gastronomique commençait : moi, à la mise du buffet et au couteau. Mon frère au « herbatka z cytryną » - tournée générale pour accompagner ce repas. Le véritable ballet gastronomique commençait dans notre cuisine.

    Couper des tomates en rondelles, des cornichons en saumure (fabrication « maison »), des vieux saucissons séchés, des œufs durs, sortir les conserves de pilchards et autres « bismarcks » (harengs) préalablement « entaupés », en son temps (ça se gardait longtemps !)...

    Un véritable casse tête « inventairisant »!

    Et puis, je n'avais qu'à napper les tranches de grosse baguette de « bułka wrocławska »...

     07_kanapki_bankietowe_1

    Plus tard, j'ai appris qu'un certain Lord Sandwich, au dix-huitième siècle, avait créé un ravitaillement commode, car rapide, en mettant à la disposition des joueurs de cartes, un morceau de pain fourré de jambon et de fromage.

    Un « kit » de survie, en quelque sorte, pour les obsédés du jeu.

    Et ces « kanapki » étaient toujours d'une beauté suprême !

    Faciles à enfourner tout en gardant les mains propres...

    Mais l'atout incontestablement le plus important, c'est qu'il n'y en avait finalement pas beaucoup, et nos joueurs affamés rentraient chez eux à une heure convenable, car « un pigeon ou un goéland s'attarde (et se multiplie) lorsqu'on le nourrit »...

    Les gosses : au lit !

    L'autre revers de la médaille : je m'endormais en silence (relatif), en percevant les voix me berçant, et de plus en plus endormies :

    Kcht, kcht, kcht - on battait les cartes

    - Tu coupes ?

    Pof, pof, pof, pof, suivis de pof, pof, pof, pof et encore 2 fois  - les cartes étaient données...

    Ha... Tourou, tou, tourou, toutou - légère chansonnette de bien être et d'un calcul mental intense. Rangement correct de 13 cartes ensemble (dur avec des petites mains).

    Collage réglementaire « aux médailles ».

    Puis :

     - Un cœur,

    - Passe

    - Un pique

    -Passe

    - Trois coeurs

    - Passe

    - Quatre sans atout (demande d'As)...

    etc.

     - Montre "c'quet'as" ? Ho, ho ! T'es une « belle morte » ! disait tonton Mieciu (celui de et au Playboy, toujours chifonné...) à sa partenaire, sa legitissima, Zyta (pour une fois...).

    Silence.

    Le monde s'estompe pour moi... J'ai bien chaud...

    Mon premier sujet à thème de rêve arrive...

     - Maaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaais comment !? Ce n'est paaaas poooossssible ! Voyons, il fallait mettre ton Vaaaalet de piiiiique ! - beuglait soudain Tygrys (j'étais certaine que c'était adressé à maman) plutôt mécontent du déroulement du jeu.

    Et rebelote (si on peut dire...), de nouveau 20 minutes à investir pour trouver mon sommeil.

    Et demain, je pourrai, peut-être... 

    Non, quelqu'un d'autre viendra pour s'affronter au bridge avec mes parents.

    Pffft! - Encore me plier en quatre à leurs quatre volontés ?

     

     


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