• Chaperon Rouge

     

    Pour quitter notre quartier il fallait toujours traverser un petit parc à la végétation luxuriante, à feuillage caduc, et persistant même en hiver, où on trouvait des mégots et des tessons de bouteilles de vodka vidées en joyeuse compagnie la veille, et parfois, même, des préservatifs usagés...

    Parfois, il y gisait un dormeur, un travailleur fatigué, sans doute...

    Le Chaperon Rouge n'était pas confrontée à la réception de ces images.

    La seule chose qu'il craignait c'était le loup.

    Et encore, une pauvre bête affamée de vieilles bobonnes et pas de petites filles candides et sans aucune défense...

    Fréquemment, nous tombions sur l'un ou l'autre vaillant jeune homme, « zboczeniec » (« pervers sexuel » - ici, exhibitionniste) qui, juste devant nos yeux, ouvrait largement son ample pardessus pour nous montrer ses attributs personnels, démesurément volumineux.

    Je me demandais, si cette taille était normale, si l'homme, en question ne souffrait pas, car il était en transpiration et haletait comme un chien...

    Lorsque je voulais obtenir de mes parents de plus amples informations concernant le sexe des mâles rencontrés dans le parc, leurs réactions étaient fulgurantes : ma mère, visiblement offusquée se tournait vers mon père en criant: Tu vois ? Tu vois ?

    Quant à mon père, il sortait quelques mots (considerés comme vilains) comme : « wykastrować skurwiela !» (castrer-ce-fils-de-pute ! Skurwiel-forme arrondie et populaire de skurwysyn).

    (NB. La dernière fois quand il a prononcé la même phrase c'était à l'occasion d'une grande Réunion Plénière du PZPR - notre Parti Comm', présidée par un certain Władysław G. en personne, et diffusée en direct à la radio).

    De là, j'ai déduit que la castration consistait en une ablation totale, ou plutôt en l'arrachage à sec, du pénis trop grand...et que les paletots de leurs porteurs ne servaient que pour masquer cette prédominance anatomique - objet de gêne et de frustration permanente...

    D'autre danger consistait en l'harcèlement émanant de la part de meutes de petits morveux, les caïds de quartiers difficilement identifiables, qui nous « taxaient » à tout bout de champs :

    - T'as combien sur toi, counasse ?

    - 5 zl.....

    - Tu me les donnes et tu te casse, counasse, capito ? ! Un moindre mot à tes vieux et tu vas voir !

      Le même modus operandi se produisait dans les trains, aux postes frontières polono-autres, efficacement pratiqué par les services bienveillants des diverses douanes :

    - Combien d'argent à déclarer ?

    - 3 500 zl. et 300 DM...

    - Vous devez une amende qui s'élève à ... (pom, pom, pom... - ils comptaient mentalement en chantonnant) : à  3 500 zl et 300 DM !

      Le seul avantage que j'aurais pu espérer, en me basant sur l'histoire du Chaperon Rouge, c'est que ce « grand méchant loup à Kalachnikov » fasse disparaître manu militari quelqu'un de rebelle (comme la mamie du Chaperon Rouge) pour qu'on puisse avoir un peu plus de place dans le compartiment déjà surpeuplé et puant...

     

    tomatezizi

     http://www.youtube.com/watch?v=Iu3wEjammUw



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  • Elle-est-en-or 


     "J'ai ma vérrité, tu as la tienne : nous avons une langue pourr communiquer..."  dit un dicton rrom 

      Lors de ma petite jeunesse de dziewczynka (rappel : qui ? Hein ? - fillette), j'étais le témoin direct de l'apprentissage, autodidacte et assidu, de la langue anglaise par ma mère.

       En fait, presque autodidacte car épaulée par deux sources : la radio BBC et Ciocia Lola (tantine Eleonora), licenciée en philologie germanique de l'Universytet Jagielloński (de et à Cracovie !), elle (ja, ja... Natürlich).

    http://www.youtube.com/watch?v=WJiHp-2CmVY&feature=related

       A la radio, les séances d'anglais débutaient aux aurores et aux délicats gazouillis modulés de : tirlibirli-dirlibirli-tirlibirli-dirlibirli... (air connu de la deuxième guerre mondiale, où le réseau des résistants communiquait, discrètement (pour que les non désirés ne l'entendent pas...), à voix basse et synthétique avec les autres  : «la cre-vette à la tête en flûte a-ppel-le son cala-mar gé-ant pré-fé-ré... Je répète :»), suivis d'un : bam bam bam bam - bam bam bam bam (produit en direct du célèbre clocher de Peter Pan, à Londres). Puis c'était la totale : un hurlement tonitruant (forcement) d'un homme ravi d'être là: Goooood moooorning ! That's radio BBC ! My friends ... (il ne disait jamais dans le poste, comme dans le Benny Hill show: « Ladies and Gentlemens » et je me demandais pourquoi.)

       A chaque fois, je me faisais la remarque que ce n'était pas possible d'être si frais et heureux à 5 heures du matin (à l'Est, avec le lever de soleil, notre vie commençait très tôt), mais il me donnait du courage pour le reste de la journée. Je décidais donc de rester fraîche, comme lui. Et pour être heureuse : c'était une autre paire de manches...car nous ne partagions pas le même pays.

       Le bonheur intense de ma maman dans cette mini immersion linguistique ne durait que cinq minutes (à raison de 15 rediffusions par jour car ils insistaient lourdement) car les langues s'apprennent, comme tout le monde le sait, en douceur et dans une rigueur extrême.

      Deuxième source, presque native mais aussi percutante, était Ciocia Lola, qui à force de travailler, depuis des années, dans l'enseignement avec des petits élèves bruyants et dissipés, avait développé une voix de la même valeur acoustique et décybelesque que les klaxons de tous les poids lourds de l'époque confondus (Ził, Tatras, Maz, Star...).

        Elle habitait dans un immeuble face au nôtre et tout aussi collectif  (comptant 12 familles par immeuble, hélas, fort nombreuses) dans un petit appartement allongé par un petit balcon.

    Nous aussi, nous étions une famille « à balcon » et à espace vital réduit à 48 m2 (bien tirés), y balcon compris.

       Dans un souci d'assimilation convenable de l'entièreté de la « lesson twenty-two » et des autres, et au  moindre pépin, maman avait recours à l'aide précieuse de Ciocia Lola, et ça ressemblait à ça :

     Maman sur le balcon :

    - Hello, Lola !? (silence) Loluniu ! (vocatif du prénom fortement diminué) Loluuuuś ?! (vocatif, ancienne forme de diminutif).  

    Cliquètement précipité de la porte du balcon en face, suivit d'un patatras et d'un juron étouffé (encore une paprotka (fougère) ayant chu par terre) :

    - Hello, Honney ? Quoi de neuf ? Co ? Co ? (quoi ? quoi ?)

    - Je ne comprends pas très bien la syntaxe d'une phrase de la « lesson twenty two » ! Pourras-tu m'aider un peu ?!

    - J'aaaa !-

    rrrrrrrrri !-

    iiiiiii ! -

    ve !

    - répondait-elle en se matérialisant dans une immédiateté stupéfiante juste devant notre porte et à la vitesse du génie dans « Aladin et la lampe merveilleuse ». 

       Et puis les formules de grammaire s'intercalaient avec « qui, quoi, où, et combien ». Et d'autres potins, classés dans la catégorie : Dont worry, be happy... Tout ira mieux, tu verras...

    C'était sans doute pour cela que je n'aimais pas la langue anglaise.

    Elle ne correspondait pas à ma longueur d'ondes... Et je ne connaissais jamais la suite de l'histoire « qui couchait avec qui » car les deux anglicistes déchaînées et de plus en plus agiles, changeaient les langues pour que je ne puisse rien piger.

       A part cela, notre voisinage nous lorgnait l'air perplexe, car un Silésien correct ne devait s'exprimer qu'en silésien, en allemand et occasionnellement en polonais. Se servir du dialecte silésien en public était considéré comme streng verbotten ! (mon pote, « Peterek », brillant médecin de campagne et Silésien, m'avait récemment conseillé de ne pas m'asseoir sur une pierre froide pour ne pas choper un « hexenschuss », c'est-à-dire un lumbago !).

       Ma mère, ayant connu la deuxième guerre mondiale, abhorrait trois choses qui s'y rattachaient directement, dans l'ordre :

    - tous les dialectes et parlers germanophones (y kachoube inclus);

    - les explosions en tout genre : - Même pas un tout petit pétard de rien du tout ? - Je dis noooooon !) ;

    - les corneilles - sans doute en rapport avec la perception acoustique des messages radiophoniques d'un leader connu et diffusé à profusion...

    - et une, sans aucun rapport avec la guerre : les reptiles ...

        Quant aux Silésiens - d'accord, elle les snobait un peu car à Katowice il n'y avait qu'un seul théâtre (de Stanislaw Wyspianski, issu de la même ville que maman...), et en cette période de socialisme frénétique, pas beaucoup d'églises...

    http://www.katowice.eu/fr/

       Cependant, dans le fond de son âme, elle les appréciait beaucoup puisque Grace Kelly avait aussi quitté ses proches pour vivre auprès de son époux.

        Et puis, je ne vois pas très bien ma maman devant la radio qui au lieu de gazouiller aboierait (et, en présence de gosses !) : Das is radio Berlin ! Gutten tag, Heren und Damen ! Sprechen Zie Deutsch ? (avec un native speaker qui s'apprêterait à bouffer tous ses auditeurs ?).

      Une chose est sûre, si notre famille ne parlait pas cette pantzer-langue, elle la comprenait grâce à la finesse de l'aide lettrée et didactiquement bienveillante émanant de la part de Ciocia Lola, qui parlait l'allemand à merveille, comme Goethe, et aucun d'eux n'utilisait le dialecte silésien.

    PeterPanBigBen


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  •  NOIR ET BLANC

     


     

        Dans notre quartier ouvrier d'une usine sidérurgique de 8 000 fiches de paie recensées, dont 300 appartenant à des travailleurs dont le rendement économique était presque optimal, y mon père compris, il y a toujours eu des chats.

       Les chats de gouttières, de « race européenne », au pelage tellement bariolé et varié, preuve de leur complaisance dans la luxure et le stupre de la prostitution féline.

       On leur donnait à manger dans tous les coins et les recoins, et en guise de reconnaissance, à une cadence infernale, ils nous « confiaient » leurs petits en les mettant bas, dans nos caves de préférence.

       Quelle joie immense de les voir, les minuscules bestioles mimétiquement confondues dans les pommes de terre fripées y conservées, ou dans le tas de charbon ou bien un tonneau de choucroute en pleine fermentation !

       Nous, les gosses, on les adorait, nos parents beaucoup moins et c'était, sans aucun doute, eux qui étaient la cause potentielle et drastique de la sélection « naturellement » guidée.

       Quelques jours à peine dans notre cave (en été), quelques semaines (en hiver) - en fait, tout dépendait du climat, - les rejetons poilus disparaissaient mystérieusement et à jamais...

     Pourtant il fût tout un temps, où tout rarissime rongeur « en tournée » dans nos parages, se faufilait plus que modestement en rasant les murs et en fuyant  pour aller se loger chez les gens moins généreux en ce qui concerne la bouffe de chats.

      Le véritable boom démographique des années 50., s'était manifesté surtout dans notre quartier et je suis convaincue, que c'était dû, tout simplement, au fait que les gens avaient enfin de quoi se nourrir (certains de boire) et où se loger en travaillant dans l'industrie lourde.

    Ceci était sociologiquement et biologiquement prouvé : l'homme repu ou l'homme ivre (ou les deux) abrité dans ses nouveaux quatre murs n'avait qu'à faire des bébés.

    Après tout, les pigeons, goélands ou rongeurs heureux car trop nourris, se multiplient très vite.

    (Parfois, certains politiciens...)

       Les chats particulièrement réussis, selon moi, sont surtout les  noirs avec un peu de blanc au cou, comme Felix ou notre Bidule. Sveltes, ronronnants, parfois au « paletot » un poil miteux, mais infiniment gentils et surtout utiles.

       Plus tard, je me suis rendue compte, qu'en Pologne si fortement communisée et laïcisée, il existait une autre catégorie de « grosso mineto » (à la libido inintéressante)...

       Cette espèce portait également et élégamment des robes noires parsemées de « taches blanches » au cou, mais leurs spécimens représentatifs étaient plutôt grassouillets, mal entretenus et dégageant les odeurs à mi-chemin entre l'encens et l'ail prédigéré...

    chat noir et blanc2

     


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  • M'ont gonflé, hier !

    ou plutôt : une mongole fière... 


    Eh, oui... Il y avait une multitude de choses qui me gonflaient...

    Par exemple, la laitue (lait ? tue ? Calcium ?).

    Quelques feuilles posées simplement dans un plat, nappées d'un mélange de crème fraîche surette (obligatoirement) avec du vinaigre, parsemées d'œuf dur écrabouillé.

    Infection !

    Ou cette soupe épaisse, "Krupnik" (appelons ça comme ça), un genre de "eintopf"  (en traduction libre : toute la bouffe de la journée en un seul plat... ré-infecte) cuite ensemble avec des os de porc - durant des heures -, gélatineuse et gluante et avec des légumes « ce qui tombait sous la main » et des gruaux  du calibre de cartouches de chasse pour toute sorte de « pachidermeux ».

    Les rognons appelés « Cynaderki » avec des gruaux de sarrasin (kasza gryczana)...

    Ainsi, à l'âge de 7 ans j'étais maigre comme une baguette de "Mikado" et, en ma Silésie bien natale, je n'inspirais que pitié...

    Les voisines étaient horrifiées de voir mes gabarits !

    Le seul moyen de renforcer "mon moi corporel," - disait le toubib de la famille, Pani Halinka, - était la natation.

    J'aimai bien le milieu aquatique puisque je suis sortie de là.

    A 8 km., environ se trouvait Palac Mlodziezy. Avec une piscine et plein de divers ateliers. 

    Pan Bolek - un mâle terrrrriblemnt viril, - couvert de longs poils... et d'une trentaine d'années, - était le maître nageur ou plutôt maître, tout court, et il disposait de nous, petits nageurs, quatre fois par semaine.

    Une heure pour y aller, une heure et demie pour revenir... Dans l'eau : deux heures ou plus.

    Je me demande comment j'ai pu continuer en parallèle le patinage artistique et les cours de psychomotricité (tout ça pour fixer le calcium ?).

    La piscine m'avait permis d'approfondir mes connaissances de la couleur blanche.

    L'uniformisation dans les pays comms, était de rigueur. Ainsi je devais porter un maillot blanc d'une pièce. En polonais : strój kąpielowy (de verbe - stroić : garnir, rendre plus beau...)

    Or, il n'y avait un seul fabriquant de ces horreurs flottantes qui monopolisait tout le marché des pays de l'Est et, il se situait au milieu de nulle part - quelque part sur la frontière entre Timisoara et Plovdiv (et tant mieux pour lui !).

    En tricot, moulants et en version sèche, ces maillots diaphanes épousaient à merveille les corps des jeunes nageuses et des vieilles aussi, d'ailleurs...

    Les étiquettes y attachées informaient pourtant : éviter tout contact avec de l'eau - conseil : nettoyage à sec.  

    Dans l'eau, ces pelures abjectes gonflaient... gonflaient...

    Je suppose que les maillots devaient être blancs pour que Pan Bolek puisse aisément détecter les taches jaunes et par la suite localiser celle qui a pissé dans l'eau (50 longueurs !)

    A chaque fois que je plongeais, mon maillot me suivait quelques mètres derrière... Quelle honte !

    Evidement, avec l'horaire plutôt dispersé et la sporadicité de nos moyens de transport de l'époque (tram 6), j'arrivais « légèrement » en retard et parfois « lourdement ».

    Quinze minutes de retard : 15 longueurs ! - (de plus piscine olympique... de 50 m. de long...) criait Pan Bolek.

    Parfois, malgré ma bonne volonté, j'arrivais 45 min. en retard.

    Et là...

    Plus tard j'ai compris que Pan Bolek « avait un béguin » pour Pani Ola (technicienne de, visiblement, ses surfaces à lui) et c'était avec la préméditation d'une crapule qu'il nous « rinçait » à l'infini dans l'eau fortement chlorée. Une marinade en quelque sorte.

    Je nageais bien et, aux compétitions de tout genre, j'obtenais toujours de bons résultats.

    Evidemment, plus mes retards s'accumulaient, plus j'étais en forme...

    (Vilain post-scriptum : les champions médaillés est-allemands, à mon avis, habitaient très loin de leur lieu d'entraînement !).

    En hiver - la température moyenne : -25° C - j'abrégeais les soins tels que : séchage de longs cheveux, des « entre les orteils » et d'autres plis...

    Quelques heures plus tard, au retour à la maison, en hypothermie généralisée, les stalagmites et stalactites sorbeteux  garnissant le périmètre de mon moherowy beret (minable déscription....), crocheté avec amour par ma mère durant les vacances d'été et à l'air pur, j'avais l'appétit féroce et je mangeais de tout, même cette chose ignoble de "Krupnik" et même le twarozek.

    Et là, le cauchemar commençait : les angines blanches à température corporelle moyenne de + 40° C, environ.

    65° C de différence - choc thermique !

     meduse2


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  •  Résumé de "Szla dzieweczka do laseczka"

    http://www.youtube.com/watch?v=XmlQvA5hH-w

    à chanter avec modération!

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    Bref résumé de la chanson chantée à la fin de réunions politiques comms dans les locaux gastronomiques très chics : une jeune fille se rend dans le bois (oh, la malheureuse !) et là... elle rencontre un jeune chasseur (qui la guettait comme cette immonde araignée Tekla de « Maya l'abeille »).

    Il la baratine et elle lui répond : "Dałaaabym ci chleeba z maaasłem, alem go zjadla, ha, ha, ha, Aleeem go zjaaadla..."

    En traduction libre : "je t'aurai donné une tartine beurrée mais je l'ai bouffée, ha, ha, ha" (en plus, ça la fait rire comme un méhari, alors que le mec attend visiblement une autre chose de sa part...)


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