• Pologne: Elle est en or...

    Elle-est-en-or 


     "J'ai ma vérrité, tu as la tienne : nous avons une langue pourr communiquer..."  dit un dicton rrom 

      Lors de ma petite jeunesse de dziewczynka (rappel : qui ? Hein ? - fillette), j'étais le témoin direct de l'apprentissage, autodidacte et assidu, de la langue anglaise par ma mère.

       En fait, presque autodidacte car épaulée par deux sources : la radio BBC et Ciocia Lola (tantine Eleonora), licenciée en philologie germanique de l'Universytet Jagielloński (de et à Cracovie !), elle (ja, ja... Natürlich).

    http://www.youtube.com/watch?v=WJiHp-2CmVY&feature=related

       A la radio, les séances d'anglais débutaient aux aurores et aux délicats gazouillis modulés de : tirlibirli-dirlibirli-tirlibirli-dirlibirli... (air connu de la deuxième guerre mondiale, où le réseau des résistants communiquait, discrètement (pour que les non désirés ne l'entendent pas...), à voix basse et synthétique avec les autres  : «la cre-vette à la tête en flûte a-ppel-le son cala-mar gé-ant pré-fé-ré... Je répète :»), suivis d'un : bam bam bam bam - bam bam bam bam (produit en direct du célèbre clocher de Peter Pan, à Londres). Puis c'était la totale : un hurlement tonitruant (forcement) d'un homme ravi d'être là: Goooood moooorning ! That's radio BBC ! My friends ... (il ne disait jamais dans le poste, comme dans le Benny Hill show: « Ladies and Gentlemens » et je me demandais pourquoi.)

       A chaque fois, je me faisais la remarque que ce n'était pas possible d'être si frais et heureux à 5 heures du matin (à l'Est, avec le lever de soleil, notre vie commençait très tôt), mais il me donnait du courage pour le reste de la journée. Je décidais donc de rester fraîche, comme lui. Et pour être heureuse : c'était une autre paire de manches...car nous ne partagions pas le même pays.

       Le bonheur intense de ma maman dans cette mini immersion linguistique ne durait que cinq minutes (à raison de 15 rediffusions par jour car ils insistaient lourdement) car les langues s'apprennent, comme tout le monde le sait, en douceur et dans une rigueur extrême.

      Deuxième source, presque native mais aussi percutante, était Ciocia Lola, qui à force de travailler, depuis des années, dans l'enseignement avec des petits élèves bruyants et dissipés, avait développé une voix de la même valeur acoustique et décybelesque que les klaxons de tous les poids lourds de l'époque confondus (Ził, Tatras, Maz, Star...).

        Elle habitait dans un immeuble face au nôtre et tout aussi collectif  (comptant 12 familles par immeuble, hélas, fort nombreuses) dans un petit appartement allongé par un petit balcon.

    Nous aussi, nous étions une famille « à balcon » et à espace vital réduit à 48 m2 (bien tirés), y balcon compris.

       Dans un souci d'assimilation convenable de l'entièreté de la « lesson twenty-two » et des autres, et au  moindre pépin, maman avait recours à l'aide précieuse de Ciocia Lola, et ça ressemblait à ça :

     Maman sur le balcon :

    - Hello, Lola !? (silence) Loluniu ! (vocatif du prénom fortement diminué) Loluuuuś ?! (vocatif, ancienne forme de diminutif).  

    Cliquètement précipité de la porte du balcon en face, suivit d'un patatras et d'un juron étouffé (encore une paprotka (fougère) ayant chu par terre) :

    - Hello, Honney ? Quoi de neuf ? Co ? Co ? (quoi ? quoi ?)

    - Je ne comprends pas très bien la syntaxe d'une phrase de la « lesson twenty two » ! Pourras-tu m'aider un peu ?!

    - J'aaaa !-

    rrrrrrrrri !-

    iiiiiii ! -

    ve !

    - répondait-elle en se matérialisant dans une immédiateté stupéfiante juste devant notre porte et à la vitesse du génie dans « Aladin et la lampe merveilleuse ». 

       Et puis les formules de grammaire s'intercalaient avec « qui, quoi, où, et combien ». Et d'autres potins, classés dans la catégorie : Dont worry, be happy... Tout ira mieux, tu verras...

    C'était sans doute pour cela que je n'aimais pas la langue anglaise.

    Elle ne correspondait pas à ma longueur d'ondes... Et je ne connaissais jamais la suite de l'histoire « qui couchait avec qui » car les deux anglicistes déchaînées et de plus en plus agiles, changeaient les langues pour que je ne puisse rien piger.

       A part cela, notre voisinage nous lorgnait l'air perplexe, car un Silésien correct ne devait s'exprimer qu'en silésien, en allemand et occasionnellement en polonais. Se servir du dialecte silésien en public était considéré comme streng verbotten ! (mon pote, « Peterek », brillant médecin de campagne et Silésien, m'avait récemment conseillé de ne pas m'asseoir sur une pierre froide pour ne pas choper un « hexenschuss », c'est-à-dire un lumbago !).

       Ma mère, ayant connu la deuxième guerre mondiale, abhorrait trois choses qui s'y rattachaient directement, dans l'ordre :

    - tous les dialectes et parlers germanophones (y kachoube inclus);

    - les explosions en tout genre : - Même pas un tout petit pétard de rien du tout ? - Je dis noooooon !) ;

    - les corneilles - sans doute en rapport avec la perception acoustique des messages radiophoniques d'un leader connu et diffusé à profusion...

    - et une, sans aucun rapport avec la guerre : les reptiles ...

        Quant aux Silésiens - d'accord, elle les snobait un peu car à Katowice il n'y avait qu'un seul théâtre (de Stanislaw Wyspianski, issu de la même ville que maman...), et en cette période de socialisme frénétique, pas beaucoup d'églises...

    http://www.katowice.eu/fr/

       Cependant, dans le fond de son âme, elle les appréciait beaucoup puisque Grace Kelly avait aussi quitté ses proches pour vivre auprès de son époux.

        Et puis, je ne vois pas très bien ma maman devant la radio qui au lieu de gazouiller aboierait (et, en présence de gosses !) : Das is radio Berlin ! Gutten tag, Heren und Damen ! Sprechen Zie Deutsch ? (avec un native speaker qui s'apprêterait à bouffer tous ses auditeurs ?).

      Une chose est sûre, si notre famille ne parlait pas cette pantzer-langue, elle la comprenait grâce à la finesse de l'aide lettrée et didactiquement bienveillante émanant de la part de Ciocia Lola, qui parlait l'allemand à merveille, comme Goethe, et aucun d'eux n'utilisait le dialecte silésien.

    PeterPanBigBen


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