• Pologne: Ouiiii! Le Ricin

    OUIIII ! LE RICIN !

    Devant chaque immeuble il y avait une merveille : un bac à sable où tous « les bas-âges » s'exerçaient dans le but d'évacuer le surplus d'une créativité débordante.

    Toujours sous l'œil attentif de l'une ou l'autre maman.

    Là, les batailles impitoyables de « grabki i łopatki » (râteaux et pelles) et parfois « wiaderko » - le seau (pour achever), - se succédaient sans cesse.

    J'ai compris plus tard pourquoi ce matos juvénile n'était qu'en plastique.

    Les coups et blessures se limitaient à des petits bobos, accompagnés de hurlements indignés et quasi hystériques.

    Le sable qui s'y trouvait cachait aussi d'autres aspects intéressants : les nombreuses crottes de tous les chats du quartier  (parfois desséchées, parfois pas...) qui allaient là bas pour se soulager sans s'asperger ou souiller leur précieux « futerko », leur pelage...

    Il fallait à peine tamiser quelques kilogrammes de ce mélange et les déjections félines s'accumulaient sur le bord du bac à sable.

     Cette activité sablonneuse était régulièrement ponctuée d'un :

    « - Qu'est-ce que tu mâchonne, Żabusiu (petite grenouille), de si juteux ? - sévère, de maman.

    - Un morfeau de viande...

    - Mais où tu as trouvé ça ?!!

    - Ve ne ferfais pas, - elle a rampé tout feule vers moi... »

    Nos consommations pirates se soldaient par la prise d'huile de ricin : jaune, visqueuse et dégoûtante... Et quelle odeur !

    Ce nettoyage était largement répandu chez les petits et surtout chez moi.

    Et encore, je pouvais m'estimer heureuse car certains de mes complices passaient par un nettoyage drastique et spectaculairement dégradant : le lavement des intestins avec l'énéma... L'horreur totale !

    L'huile de ricin m'ennuyait car, dégueulasse au goût et en consistance, elle faisait, entre autres, roter les quelques jours suivants en se rappelant dans mon moi à moi. Pourtant, selon moi, il n'y avait que les garçons qui rotaient et empestaient les toilettes...

    Si, en plus cette prise était précédée ou suivie d'huile de foie de morue, la catastrophe était totale.

    Cependant il fallait soigner ces voies digestives fragiles et régulièrement « visitées ».

    Et dans les pharmacies du quartier, il était fréquent d'entendre les petites victimes de ces soins :

    « - Bonzour, madame. C'est vous qui vendez z'huile de rifin ?

    - Oui, ma petite...

    - Et z'huile de morue, c'est vous aussi ?

    - Oui, chérie...

    - Et alors, les suppositoires, aussi ?

    - Oui...

    - Les seringues qui font mal ?

    - Mais oui...

    - TY ŚWINIO !!!! (« vieux porc » en traduction coloriée...) »

    Contrairement à moi, - amatrice de protéines et spécialiste en « machouillage » de spécimens en matière organique, mon frère préférait plutôt les matières plastiques et minérales.

    Les boutons, les cailloux, les capsules de bières, les petits objets en métal ... tout « faisait l'affaire » dans sa bouche avide de sensations fortes...

    A tel point, que...

    J'en reviens encore à ma Grand'Mère, cette huile essentielle... « L'acariâtre » de Cracovie.

    Parmi les multiples rougeurs la colorant, la seule chose esthétique que la nature lui avait accordée (par le généreux intermédiaire de son défunt époux, Andrzej - celui de Katyń), était une grosse bague sertie d'un immense rubis.

    En fait, un rubis tout court. Immense, c'est parce que j'étais petite et que je le voyais trèèèèès grand.

    rubis

    http://www.youtube.com/watch?v=VEfqozzL5uc

    Chaque fois quand je plongeais mes yeux dans ce rouge intense, le monde n'existait plus... et ma Grand'Mère s'estompait.

    - « Ma petite chérrrrrie, quand tu serrrras grrrrande, cette bague serrrrrra à toi... » disait cette Dame de Pique, épouse du Valet de Trèfle, ou valet tout court, mon Grand Père.

    Remarque : j'étais certaine que ce bijou m'irait très, très bien.

    A moi, car j'avais un goût terriblement prononcé pour toute sorte de joyaux, babioles et brillances digne d'une vraie princesse.

    J'avouerais même : je suis une véritable pie. J'aime ce qui brille, ce qui est pur, limpide...

    Je me suis même mise aussi à apprécier les belles capsules de bière... arrachées de la bouche de mon frère.

    Un samedi cracovien, toute la famille s'était trouvée dans l'appartement de mes grands parents.

    Grand'Mère, en faisant la vaisselle (avec ses belles griffes rouges), c'était exclamée que son précieux joyau rouge « s'était enfuit » (ou quelque chose comme ça...) de sa bague.

    Tout le monde s'était aussitôt mis à quatre pattes pour le chercher...

    Du coup nos yeux « chercheurs » se sont figés sur ceux de mon frère, exorbités, et à la bouille couverte de pourpre. 

    Mes parents se sont immédiatement rendus compte qui était l'heureux « trouveur ».

    Sans doute à cause de la rougeur répandue sur son visage due à la couleur noble du rubis englouti. J'ignorais que les éclats brillants de cette pierre étaient si puissants pour percer même l'épiderme de mon frère...

    Le fautif était condamné à une purge préventive. Enéma, huile de ricin, de l'eau chaude salée...

    La To-taaaa-le ! (gnh, gnh - vilaine...)

    Quant aux grands... ils étaient aux petits soins et à l'entière disposition de mon frérot.

    On avait même cherché dans la cave un vieux « nocnik » - un pot de pisse, pour pouvoir y scruter aisément les résultats de cet acte sous seing privé, encore frais.

    Comme tout le monde le sait, « Podpis », en polonais signifie une signature.

    Très tard dans la soirée le seing tant attendu était (ap) posé avec succès en déclanchant des applaudissements dignes du premier secrétaire de parti comm, Władysław G.  

    laborantins2

     La rougeur avait encore vu le jour.

       


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :