• UN TEMPESTIF


     http://www.youtube.com/watch?v=QCn5S5nGGHE

    Lors de son mariage avec Tygrys, maman avait apporté (hormis sa gracieuse personne) quelques objets précieux, considérés comme une dot.

    Maigre, certes, mais contenant ses souvenirs les plus lointains.

    Dans cette panoplie, en gros, se trouvaient : une machine en fer forgé de marque « Singer » (ja, ja, ja),

    maszyna do szycia 2

    un violon, un Stradivarius « pur sang » (acheté par mon grand père à sa fille unique, en son temps, et après une longue négociation auprès d'une famille juive cohabitant avec eux à Cracovie),

    stradivarius

    ainsi qu'une magnifique horloge pendule datant du 17ème siècle, paraît-il.

    zegar wiszacy 2

    Durant toutes ces années vécues dans notre foyer familial et douillet, le « tic-tac tic-tac - baaam » habillait les murs (toujours étanches) de notre appartement.

    J'avais souvent l'impression que quelqu'un habitait en plus avec nous (et heureusement pour nous, il restait suspendu !).

    A force de vivre près d'elle et de l'entendre, inlassable et régulièrement remontée, nous baignions dans son petit bruit discret, décomptant notre bonheur.

    Tout arrêt de son fonctionnement subit était considéré par nous tous, comme un arrêt cardiaque...

    Oufff ! Ce n'est qu'un des deux poids qui est coincé !

    Oufff ! Il suffit de la remonter !

    Oufff ! Ce n'est que ça... Ce sera fastoche... 

    Et non...

    Un jour, pas d'oufff !?

    Plus rien !

    Les aiguilles de la « doyenne » du temps pendouillaient tristement sur son « visage » rond de couleur ivoire qui exprimait la désolation la plus profonde...

    Le silence dans notre appartement, frôlant les 75 décibels au lieu des 78 habituels, nous était devenu insupportable !

    Tygrys, encouragé par ses super gains obtenus pour ses nombreuses rationalisations, tant au niveau professionnel que dans le privé, s'était adonné à coeur joie, à l'art de l'horloger antiquaire.

    Rien d'étonnant puisqu'il maîtrisait déjà les grands fourneaux (où la coulée pouvait continuer en l'absence de sa personne...) ainsi que « toutes les deux bougies » de sa Trabant 600...

    Mais... dans ce cas bien précis... et de loin, il s'était fait dépassé par un « maître horloger » de jadis, l'auteur inconnu de cette merveille...  

    Toutes sophistiquées, qu'elles étaient, les tentatives de Tygrys se transformaient en échecs cuisants...

    Même après un acharnement de plus en plus musclé.

    Après qu'il eut cassé l'une ou l'autre précieuse piécette, maman avait violemment réagit en lui interdisant catégoriquement de toucher à son horloge !

    Cette intervention s'était clôturée par un silence hostile, et le froid visible qui s'installa entre les deux conjoints pendant quelque temps, nous priva ainsi de quelques autres décibels, résultant de l'atmosphère ambiante...   

    Ce n'était pas la première fois, d'ailleurs, que papa avait brillamment déclaré forfait.

    Étant récidiviste notoire, il se trouvait déjà sur la liste « noire » de quelques professionnels en cette matière.   

    Un jour, dans sa tête et sur la table de notre cuisine, il s'était mis à l'idée de réparer le « petit réveil mécanique de rien du tout »,

    budilnik 2

    initialement confectionné, avec un know how adéquat et à la chaîne industrielle, par le détenu d'un goulag lointain et profondément soviétique...

    Il avait décomposé le réveil en question, pièce par pièce.

    Comme un grand et sans jurer !

    Les dizaines de petites tiges, de ressorts, de vis, de « zebulons » et autres « minusculités » (le tout de la même couleur...) occupaient entièrement la surface de la table couverte d'une nappe cirée, joyeusement bariolée par des motifs multiples, plus menus les uns  que les autres.

    Après une heure environ, le petit réveil en état de marche, était de nouveau monté...

    - Kurdemol- Fichtre ! Mais c'est quoi ce qui reste encore sur la table ?! - s'écriait Tygrys...

    Démontage suivi de remontage.

    Trois piécettes de trop... Mais c'était déjà mieux que dans le cas précèdent...

    - Hmmm... Et si je mettais celle-là avant celle-ci - réfléchissait Tygrys à voix haute et de plus en plus dépité. - Il doit y avoir une astuce... Ce n'est pas possible... Hmm... - murmurait Tygrys cogitant.

     « L'astuce », en question, avait déjà chu par terre, sans faire le moindre bruit, sur notre lino d'une élégance sans pitié, car composé de paillettes multicolores y adroitement incrustées.

    A quatre pattes, à la loupe et sous l'œil afféré de papa, nous rampions en dessous de la table, des chaises et tout autre mobilier accessible, cependant hostile.

    Le bilan se montrait maigre : quelques bleus, quelques égratignures sur les genoux, une épingle de sûreté, - d'état : nul, - une aiguille à chas, une trombone tordue, un bouton à deux trous - parfois à quatre...

    Et à la fin... Maman avait remis « le tout » (en vrac) dans UNE « torebka papierowa »

    torebka papierowa

    - un sac en papier, pour l'emporter le lendemain, dès l'aube, chez le petit horloger de coin, Herr Schmidt, un ancien adhérant de la Wehrmacht, et « attardé » en Pologne après la guerre pour des raisons... plutôt obscures.

    - Was ist das, schöne madame ? - s'écria Herr Schmidt à la vue des menues piécettes éparpillées en nombre sur son comptoir propre et dégagé.

    - C'était... C'est un réveil, - balbutia maman absolument gênée.

    - Fous afez ein hund enragé ou des kinders non gut ! - grogna le professionnel en auscultant la carcasse éventrée de réveil.

    - Non, non ! C'était mon mari qui voulait le réparer et puis... - s'enfonçait maman.

    - Et qu'est qu'il vait donc comme métier ce brafe ?

    - Il est ingénieur métallurgiste... - avoua maman d'une voix inaudible.

    - Et bien, chère frau, dites-lui, que chacun possède une profession basée sur le talent, la vocation, les années d'expérience...

    C'est un DON. Ja, ja... C'est bon pour cette fois, mais au futur, c'est un bon conseil : qu'il ne se mêle plus jamais dans des affaires aussi délicates que l'horlogerie.

    obrobka stali 2

    http://www.youtube.com/watch?v=OPBYLDqUwQk

     


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  •  VOLA-T-IL ?

     

    szachownica 21

      http://www.youtube.com/watch?v=yZpei6K83bo&feature=related

    Je me trouvais au point 50°14'17,88''N et 19°02'02,34''E. 

    J'étais au septième ciel... sous un adorable Cumulonimbus suspendu juste au dessus de ma tête.

    A 1250 m. exactement...

    Ce point se trouvait sur la piste de décollage (couverte de bosses et de flaques d'eau...) de l'Aeroklub Śląski - l'Aéroclub de Silésie, au milieu d'un groupe d'aviateurs agités.

    La grande silhouette élancée à la démarche noble appartenait à Michał Scipio del Campo,

    znaczek scipio

     

    - le « parrain » de la jeunesse « volante » de cet aéroport, situé à Muchowiec - un quartier fortement éloigné de Katowice, et le mot est faible...

    L'octogénaire, à l'œil vif d'un aigle et à l'esprit pétillant, cet ingénieur d'antan et polytechnicien en thermodynamique, ce traducteur multilingue (maîtrisant plus de treize langues), s'était installé pour de bon dans notre ville en 1945, juste après la seconde guerre mondiale...

    Hormis ses multiples talents, il se réjouissait d'un lourd palmarès en matière de concours, tant d'aviation polonaise qu'étrangère. 

    A côté de moi se tenait Edward Makula, - le champion du monde de concours OPEN de planeurs en 1963, son jeune « poulain », qui jouait surtout les rôles d'un « Pégase » lors de missions de toute urgence, comme celle, par exemple, d'aller chercher (en Suisse), un sérum contre le venin de serpent jararaca,

    jararaca

    transmis par la morsure à un zoologue de notre zoo-parc de Katowice/Chorzów (les deux villes toujours en dispute...).  

    Pour y assister, en qualité hélas de la seule et unique représentante de notre famille, j'avais même séché ma compétition de natation et écarté avec un plaisir fou les cours de religion...

    J'étais prête à admirer les exploits aériens de mon frère. 

    A l'idée que son fils puisse s'élever dans le ciel (comme certains autres), enfermé simplement dans un planeur en bois exigu et à la portance réduite - et, surtout ! - sans la moindre hélice ou moteur, - Tygrys présentait déjà tous les signes d'une indisposition grave, générale et multicolore.

    Son aversion à l'égard des engins "volants, flottant, rampant" et autres était toujours spectaculaire.

    Le voyant dans cet état, rien ne permettait de croire qu'il se rendrait un jour sur ce terrain d'aviation, même pour une cueillette de champignons ou un simple besoin physiologique... 

    Maman, en cachant bien son inquiétude et faisant « dobra mina do złej gry » - « contre mauvaise fortune, bon coeur », s'était discrètement éclipsée vers sa direction tant favorite que fréquentée...

    Avant midi - comme prévu : quelques épreuves sur un brave planeur de formation, robuste et facile à piloter (cela dépendait par qui), SZD-9 BOCIAN

    Bocian 2

     

    (la Cigogne), dont le « nid » se trouvait au sein de Szybowcowe Zakłady Doświadczalne (Institut de Recherches Expérimentales en Planeurs) à Bielsko-Biała (à 60 km. de Katowice en vol direct et « automnal » - puisqu'en direction du sud au retour saisonnier de cet échassier). 

    bocian ptak 2

    Après midi, une autre séance : les acrobaties « tirebouchonneuses » en piqué,  à la casse cou, et au ras du sol, sur de petits « joyaux » rapides et nerveux, du nom de ZLIN,

    zlin2jpg


    de production tchécoslovaque à l'époque (« Moravan Aviation » à Otrokovice). 

    Il faut ajouter, qu'après de nombreux cours, examens de sélection et autres épreuves sans pitié, passés tant sur le tarmac de l'aéroclub que dans son ciel clément et « cirrus-stratussieux », ce jour là, mon frère visait sa première « mouette »

     mewy 2

    (sur trois) en s'aiguisant d'ores et déjà le bec acéré de « jeune aiglon », afin d'obtenir, plus tard, son premier diamant... 

    Celui, qui lui restera éternellement... avec deux autres. 

    Les planeurs étaient, d'abord, manuellement poussés par leurs pilotes d'un hangar commun sur la piste de décollage, pour être, ensuite, attachés à un respectable et unique biplan de Muchowiec, un AN,

    ANTEK 2 2

    du quasi même âge que son « papa », le célèbre constructeur Antonov...   

    A chaque fois que ce vieux « coucou » soviet au bout du rouleau, devait prendre de la vitesse afin de tracter un « bociek » (populairement : la cigogne) à une altitude convenable, j'avais l'impression qu'il allait aussitôt s'écrouler sur nos pieds et devant nos yeux comme un gros bourdon,

    http://www.youtube.com/watch?v=ucrKUO9FVfY

    engourdi, frappé de gels précoces... 

    Alors que je suivais les yeux nus le trajet de ce vieil engin aérien, fidèle jusqu'au bout, et celui du « bociek », léger, docile et confiant, - dans le fond du terrain...

    De l'autre côté de la piste, nous apercevions la silhouette plutôt sportive d'un quadragénaire, presque en tenue de para commando, qui approchait à petits pas peu rassurés...

    Tygrys venait admirer, en cachette, les exploits aériens de son fils, en scrutant d'un oeil attentif l'état général de ce matos aéronautique sophistiqué...

    De l'œil armé de jumelles datant de sa formation militaire pour officiers d'artillerie anti-aérienne à Toruń.

    http://www.youtube.com/watch?v=ldPgDZBSVUA


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  • RIEN QU'A LA VOIR...

    Les activités quotidiennes des femmes de notre quartier étaient essentiellement basées sur leur bonne condition physique et dépendaient donc de leur musculation générale.

    Elle méritaient pour ces corvées le plus total respect de leur proche entourage.

    C'était cependant en Silésie où le pourcentage d'hommes molestés, si pas « battus » (et ainsi obéissants) était le plus important : un simple différend d'opinions de nature conjugale se réglait immédiatement au moyen de l'un ou l'autre ustensile de ménage, disponible immédiatement, bien sûr, sous la main...

    Chaque objet se trouvant en possession de ces mégères autoritaires avait son rôle et sa fonction bien précis, aussi bien dans l'exécution de leurs taches ménagères, que dans le redressement comportemental de l'un ou l'autre partenaire, attribué « pour le meilleur et pour le pire »...

    Commençant par une anodine « warzecha » - une simple spatule en bois, ou « rogalka »

    rogalka 2

     

    - pour rendre le lait caillé lisse.

    Un fier et contondant « tasak » - pour détacher, et à toute vitesse, des petites portions d'un gros morceau de la viande...

    Ou encore, cette brave « trzepaczka », - l'une, pour battre les tapis, l'autre, dans une version plus réduite, pour battre les blancs d'œufs ...

    Et puis, le roi incontestable de la paix conjugale, si bien connu dans le monde : « wałek do ciasta » - ce rouleau pâtissier tant redouté par les compagnons de leurs opératrices... ou encore un  « tłuczek do ziemniaków » - le presse purée... une arme de substitution... 

    Le soleil, commençant à peine à pointer timidement le bout de son nez, accompagné des discrets cliquetis des bouteilles de lait, d'une capacité d'un litre, placées sur le paillasson à côté de chacune des portes d'entrée de nos appartements, se mettait à éclairer le « champ de bataille » de maman.

    Pacifique et silencieux.

    Maman entamait sa grande lessive mensuelle.

    Et dans son terme exact.

    La « clé de la réussite », ou du bon déroulement de l'ensemble de la lessive se trouvait chez un autre voisin, occupant le même lieu quelques jours avant, et où il fallait aller la chercher la veille...

    Il fallait également savoir qui la détenait... Et dans cet immeuble il y avait onze possibilités...

    La fidèle machine à lessiver de maman, « Frania »,

    pralka frania 2

    avait été précieusement et préalablement placée dans le sous sol, dans un endroit appelé « salle d'eau », ou plutôt, une « salle de musculation » des femmes de notre immeuble... 

    Un chaudron hors normes,

    kociol 2


    incorporé dans un poêle à charbon, y trônait, rempli d'eau avec quelques kilos de savon gris de « Marseille »- jaune


     

    savon marseille 2

    et il chauffait, chauffait, chauffait à petit feu et au petit soin, comme un plat à mijoter,  depuis quelques heures déjà. 

    J'avais toujours froid dans le dos lorsque je voyais cette flotte bouillonnante et révoltée, à bulles multicolores, prête à accueillir notre linge sale ou à exploser devant nos yeux.

    De temps à autre, il fallait remuer cette mixture savonneuse à l'aide d'une immense spatule en bois (1,50 m.), appelée « warzecha », dont seule maman avait le talent pour la manipuler délicatement et avec précautions pour ne pas se brûler.

    Flop, flop et re-flop - tombaient silencieusement et en chute libre les draps sales de nos quatre « cou-couches » de nuit, les taies d'oreillers, les petits oreillers - « Jasiek », des housses de « pierzyna » - couvertures en duvet d'oies (de « pierze » - duvet), plus quelques nappes de table, dans la gueule béante du chaudron affamé, crachotant tout les X temps des giclures de dimension XXL ...

    En voyant cela, j'imaginais alors les tribus de cannibales, lesquelles, quelque part dans le monde, confectionnaient ainsi leur « sou-soupe populaire »...

    « Sur une île déserte arrive tant bien que mal le rescapé d'un naufrage.

    De loin il aperçoit une silhouette humaine.

    Craintif,  il s'adressa à elle :

    - Y a-t-il des cannibales sur cette île ?

    - Non ! Pas du tout ! - répondit l'indigène. J'ai bouffé le dernier hier soir ! ».

    Après une longue cuisson, les gros métrages de tissu, mélangés avec vigueur et assiduité durant quelques heures, étaient transvasés, un par un, dans la lessiveuse « Frania » où ils étaient traités, cette fois-ci, « mécaniquement ».

    Tâtés, frottés et encore touillés, ils étaient ensuite rincés plusieurs fois.

    Enfin, ils étaient prêts à être essorés.

    Tout ça à la main...

    Certains exigeaient un trempage dans une solution visqueuse d'eau et de farine de pommes de terre, l'amidon - « krochmal », afin qu'ils soient raides et cartonnés, tel un jeu de cartes « Piatnik » ...

    Suspendus sur les cordes dans la pièce avoisinante, ILS se reposaient enfin pendant quelques jours et la clé du local revenait alors à quelqu'un d'autre... 

    Alors que...

    Dans notre appartement, Tygrys, ayant terminé ses « coulés continuels » d'aciérie, faisait son irruption et procédait à l'inventaire de la cuisine, en scannant rapidement, de loin et discrètement, le contenus des casseroles, ayant jadis abrité un repas chaud et mitonné la veille, et gisant un peu partout en complicité parfaite avec la vaisselle sale...

    Les lits défaits...

    Nous montions nos 47 marches, en titubant de fatigue et en croulant sous le linge humide et pesant destiné à être séché à la maison...

    Maman trimbalant en plus la grosse « warzecha » sous ses bras chargés...

    - C'est quoi ce bordel ? Pourquoi il n'y a rien à manger ?! Et toute cette vaisselle sale qui traîne partout ? Mais qu'est-ce que tu as donc fait tout au long de la journée ?! - rugissait Tygrys, « in peto » et « in porta » de sa basse faussement « trémoleuse » cependant très moelleuse.

    - Mais enfin ! Nous avons lessivé toute la journée et... - répondait maman (de sa voix suave, se transformant cependant en un alto

    coloré d'une fameuse pointe d'agacement) -  tout en brandissant sa « warzecha » (l'encombrant toujours...) pour la glisser, comme d'habitude, derrière une armoire du couloir d'entrée, située juste dans l'axe où se tenait Tygrys rouspétant...

    Voyant cela :

    (Ô, miracle !!!)

    - Oh, c'est bon, c'est bon... - grommelait-il décontenancé - Enfin... Je te pose gentiment quelques questions, ma chérie.... On ne peut pas ? Et si je vous faisais une bonne « jajecznica » ? - des œufs brouillés.

    http://www.youtube.com/watch?v=V92OBNsQgxU


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  • NIE - TTOYAGE

     

     

    Le samedi, tous les habitants de notre quartier se mettaient vigoureusement à curer, à nettoyer leurs petits « locum ».

    Les simples vitres à laver, occupaient déjà plus de surface, que nos appartements.

    Pour maman, qui était différente, la priorité absolue à ses yeux et qui la réjouissait tellement, c'était « son parquet en chêne » chéri et préféré, et tant admiré et apprécié, même à voix haute, lorsque les pieds de nos invités s'y posaient.

    Il n'y avait rien d'étonnant, car constamment poncé avec les « wióry », les sciures de fer, couvert de cirage, et patiné, patiné, patiné... Il ne pouvait qu'être beau.

    En tout les cas, c'est ce que maman lui demandait... 

    « - A l'école, tout le monde disait que j'avais des grandes dents pointues !

    - O, nie, nie, nie ! - (en français : oh, non, non, non) Quelle idiotie ! Mais tu veux bien arrêter de parler car tu griffes mon parquet ! »  

    Les diplômes obtenus auto didactiquement par maman, étaient subitement mis en valeur, car la ruée vers l'apprentissage des langues, autres que le russe, ou l'allemand, était visible et audible ailleurs que chez les « cingciarz » du coin.

    Même les polytechniciens, tels que mon père, ne faisaient que de l'ombre à côté d'elle...

    Maman donnait donc des cours d'anglais.

    « Expérimentaux » - initialement prévus pour des élèves de 6 ans.

    Petit à petit (trois fois  hélas), par les infos « de bouche à oreille », des autres se sont également mis à fréquenter, assidûment et sans pitié pour nous, notre domicile.

    Ainsi, des hordes de « morveux », méchamment enrhumées, pénétraient à tout bout de champs dans notre espace vital afin d'apprivoiser cette langue de Shakespeare et de James Bond et dans le but de devenir quelqu'un hors du commun et « mondainement » acceptable...

    Maman, soucieuse de son parquet, non stop pomponné, avait développé alors une stratégie brillamment astucieuse.

    A l'entrée, chacun de ses « clients » était tenu de se débarrasser de ses chaussures « illico presto » pour enfiler ces espèces de gros patins difformes

    kapcie 2

    confectionnés par « him self » et en feutre - dont le modèle était largement répandu dans tous les musées du monde et surtout à « Zamek Wawelski », - Château de Wawel, - de Cracovie, que nous fréquentions souvent et avec passion, en semant ainsi la vilaine mamie moustachue et acariâtre...    

    A force de changer pour abriter continuellement de nouveaux pieds, - qui baguenaudaient un peu partout, - les patins frottaient constamment le parquet préalablement ciré en ressortissant toute sa splendeur en matière de brillance...

    Hélas, dans cette « scène de crime », mon frère et moi, nous commencions à manquer sévèrement aussi bien d'espace que d'oxygène...

    Parce que :

    Tygrys dans sa chambre.

    Les leçons dans l'autre.

    La salle de bain toujours occupée et aux abois pour cause de manque fréquent d'eau dans la chasse, et donc bouchée... 

    Et, de plus, comme maman était gentille et généreuse, hormis son rôle d'enseignante et de pédagogue, elle assumait également une fonction de psy aussi bien vis-à-vis de ses élèves, que de leurs parents, s'éternisant chez nous après les cours, et soucieux de connaître le degrés de progression en langue de leurs « cowboys » et autres « princesses ». Les Joufflus, après tous.

    Elle tenait aussi  la fonction de première secouriste de la Croix Rouge, ou celle, de St. Bernard, en servant des « herbatka z cytryną » à profusion, et parfois des solutions médicamenteuses pour les « agonisants » toute la journée et assoiffés de langues étrangères, voire même parfois, des gros morceaux de gâteau du week-end passé, que maman leur servait également ?! 

    L'entretien hebdomadaire de notre appartement était assez facile à effectuer.

    La prise au piège de la poussière se pavanant sur les surfaces lisses de notre mobilier en « fornir » n'était pas fatigante en soi, cependant le trimbalage des tapis, enroulés comme des crêpes, jusqu'à « trzepak »,

    trzepak 2
     

    un battoir public et local... situé à une cinquantaine de mètres de notre immeuble, exigeait beaucoup de forces. Tant physiques que de caractère...

    Il proposait ses deux barres parallèles sur lesquelles il fallait miraculeusement accrocher et dérouler le tapis, sans se faire assommer, pour, ensuite, pouvoir le taper, cogner...

    trzepaczka

    Soucieuses d'un débarras optimal de cette poussière siégeant dans leurs tapis, certaines mégères du voisinage commençaient leurs démarches en trouvant  d'abord un sujet « venimeux », facilitant une bonne bagarre verbale avec leurs maris sensés effectuer cette tache... 

    C'était aussi là, au « trzepak », qu'en temps de loisirs, nous jouions aux « chauve-souris » - nietoperz... 

    « Maman, maman ! 'Toperz' ! 'Toperz' !

    - Nie-toperz, ma chèrie !!! Nietoperz !

    - Nie ? C'est quoi alors ? »

    (On revient alors au titre de ce post...).

    fidjet 2

    En saisissant fermement dans les mains la barre inférieure (et fortement rouillée), et en se penchant en avant, d'un coup, on se propulsait en position recroquevillée pour effectuer un tour complet autour de son axe. Cool !

    Parfois, on se « figeait » expressément la tête en bas (les fesses en l'air...) afin de mieux savourer cette figure de haute voltige et attendre l'arrivée imminente de la couleur rouge nous envahissant la bouille...

    http://www.youtube.com/watch?v=sHF5LP53LZY

    Le premier « en rouge » étant, bien sûr, perdant... 

    «  Oh, regardez, il est tombé dans les pommes ! - criaient des chauves-souris en position « têtes en bas », à la vue de leur congénère se tenant sur ses pattes et la tête en haut... »

     


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  • É(T)MOIS QUI PASSAIENT...

     

    Le « bien-être » général et tant attendu s'installa alors en Silésie. 

    Tygrys, devenant de plus en plus « commode », au lieu de refuser la réception de médailles du « mérite industriel », commençait à percevoir (et à juste titre) des rémunérations pécuniaires assez importantes grâce à ses procédés de rationalisations de la chaîne métallurgique dans son usine, qui se la coulait en douce, et où la « coulée continuait » avec et grâce à lui, ... 

    Avec mon frère nous restions donc les seuls à ramener sous notre toit des médailles quelconques.

    Lui, en « aviation légère ».

    http://www.youtube.com/watch?v=wA6pv0Hhl0I

    En planeurs, sur des modèles fabriqués jusqu'aujourd'hui à Bielsko-Biała (Beskid Śląski), de petites avionnettes bimoteurs d'origine russo-polonaise, et plus tard, sur des gros, populairement appelés « Antek » - comme Antony, - du constructeur Antonov. 

    Mes médailles provenaient essentiellement de natation.

    medale 2

    Ayant plus de moyens financiers, j'avais, enfin, mérité un maillot de natation plus esthétique et tenant plus près de mon corps, que celui, à l'origine et aux couleurs douteuses...

    Sur un joli fond d'un vert juteux, se tenaient des grosses fleurs de marguerites aux pétales blanches avec, au centre de chacune, des taches d'un jaune d'œuf profond.

    Assez richement bariolé dans son ensemble et facilement détectable dans l'eau limpide de la piscine.

    A cela s'ajoutaient mes cheveux lisses et constamment mouillés... Le teint de mon visage régulièrement blanchi par « l'overdose » de chlore de mon milieu aquatique et les yeux d'un rouge - « verdasse », suggérant une myxomatose « lapinesque » imminente...

     zaba 2

    « - Majesté, pourquoi vouez-vous tant d'animosité à l'égard de certains d'entre nous, et surtout envers ceux à la tête lisse et triangulairement allongée, aux yeux globuleux et d'une couleur virant au vert ? - demandèrent au roi lion ses fidèles assujettis.  

    - Et bien voilà, je ne les supporte plus ! Ils sont constamment en tenue de combat - « moro » - de para commando mais, en plus, ils bouffent à longueur de journée...

    - Eh, bien... - dit la grenouille, en se retournant vers une bestiole tremblant de peur, agrippée à une feuille de rhubarbe  - De ce que je vois, mon cher Caméléon, ta vie sera dorénavant aussi foutue que celle du crocodile... Dommage, hein ?»      

    Il était temps pour moi, « dziewczynka », - une fillette, de devenir « dziewczyna », - une jeune fille... 

    Mon rôle de Vinetou (de Karl Friedrich May - ja, ja, ja), si fidèlement observé et assumé depuis des années dans la meute de mes potes, était devenu froidement dé-su-et !!!

    Il n'y avait pour moi que les seconds rôles de tristes squaws, oppressées et dominées par cette société de mâles virils et combatifs à la peau lisse...

    Ou, à la limite, celui d'Apanachi :

    apanachi 2

    (A vos souhaits ! ........ Il n'y a pas de quoi !)

    - sa compagne soumise et silencieuse comme une carpe !!!

    C'était « d'un brgh »... 

    Cependant je commençais à être « convoitée » autrement... 

    Les petits gars et autres « morveux » me cédaient le passage à l'entrée de notre immeuble et ailleurs.

    Ils me saluaient, je pense, poliment, et demandaient si je n'avais pas envie de patiner avec l'un ou l'autre (toujours dans le parc près de mon école où les « pervers polymorphes » pullulaient abondamment même à - 20° C...). 

    Ils étaient tous vraiment bizarres... 

    Alors que je m'apprêtais pour jouer au hockey avec eux, ils préféraient « évoluer gracieusement » avec moi en patinage plutôt « accouplé » ( ?!).

    Et un soir, l'un d'eux, Leszek J., à la fin de nos acrobaties « sur place », m'avait drôlement embrassée.

    Re-Brghhh !

    Sa baaaave à 36,6° C, environ, s'était mise ensuite à couler sur mes lèvres en provoquant, par cette température extérieure de - 20° C, des gerçures profondes

    koleiny 2

    comme des ornières sur les routes de l'URSS...

    Sa ptyaline y contenue avait cependant le goût agréable de la « oranżada w proszku »

    oranzada w proszku 2

    - ces sachets d'orangeade en poudre, saturée en acide citrique et divers colorants, dont les cristaux au contact de la salive (on se crachotait dans l'intérieur de la main), gonflaient rapidement en donnant une savoureuse et très jolie mousse.

    J'en étais à tel point troublée, que j'avais laissé mes patins « sur glace ».

    lyzwy-figurowe 2

    J'ai couru à la maison - Leszek (toujours J.) après moi - les autres potes (en RIGOLANT !!! Aaaaa ! Les fourbes !) après lui et moi... avec mes patins. 

    Ce soir je me suis regardée dans un miroir de notre salle de bain...

    Noooon ! Rien n'avait changé...

    Plus tard, j'avais raconté ces ébats (unique) à mon grand frère...

    Mon Défenseur... Peut-être un peu de trop...

    Suite au « règlement de compte » sévère et exécuté avec brio dans l'arrière cour, par mon frérot, - où il avait « fait la peau » de Leszek J. et des autres complices, il n'y avait plus, hélas, aucun téméraire de notre quartier, qui osa encore me faire la cour, et cela, pendant les quelques années à venir...

    http://www.youtube.com/watch?v=PbuByYZtFy0

    Pffft ! C'était d'une tristesse... alors que cet émoi commençait à me plaire...

    "Incertitude" de Marek Grechuta

    http://www.youtube.com/watch?v=8lL7aBs6ucA 


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