• Pologne: Un-Tempestif

    UN TEMPESTIF


     http://www.youtube.com/watch?v=QCn5S5nGGHE

    Lors de son mariage avec Tygrys, maman avait apporté (hormis sa gracieuse personne) quelques objets précieux, considérés comme une dot.

    Maigre, certes, mais contenant ses souvenirs les plus lointains.

    Dans cette panoplie, en gros, se trouvaient : une machine en fer forgé de marque « Singer » (ja, ja, ja),

    maszyna do szycia 2

    un violon, un Stradivarius « pur sang » (acheté par mon grand père à sa fille unique, en son temps, et après une longue négociation auprès d'une famille juive cohabitant avec eux à Cracovie),

    stradivarius

    ainsi qu'une magnifique horloge pendule datant du 17ème siècle, paraît-il.

    zegar wiszacy 2

    Durant toutes ces années vécues dans notre foyer familial et douillet, le « tic-tac tic-tac - baaam » habillait les murs (toujours étanches) de notre appartement.

    J'avais souvent l'impression que quelqu'un habitait en plus avec nous (et heureusement pour nous, il restait suspendu !).

    A force de vivre près d'elle et de l'entendre, inlassable et régulièrement remontée, nous baignions dans son petit bruit discret, décomptant notre bonheur.

    Tout arrêt de son fonctionnement subit était considéré par nous tous, comme un arrêt cardiaque...

    Oufff ! Ce n'est qu'un des deux poids qui est coincé !

    Oufff ! Il suffit de la remonter !

    Oufff ! Ce n'est que ça... Ce sera fastoche... 

    Et non...

    Un jour, pas d'oufff !?

    Plus rien !

    Les aiguilles de la « doyenne » du temps pendouillaient tristement sur son « visage » rond de couleur ivoire qui exprimait la désolation la plus profonde...

    Le silence dans notre appartement, frôlant les 75 décibels au lieu des 78 habituels, nous était devenu insupportable !

    Tygrys, encouragé par ses super gains obtenus pour ses nombreuses rationalisations, tant au niveau professionnel que dans le privé, s'était adonné à coeur joie, à l'art de l'horloger antiquaire.

    Rien d'étonnant puisqu'il maîtrisait déjà les grands fourneaux (où la coulée pouvait continuer en l'absence de sa personne...) ainsi que « toutes les deux bougies » de sa Trabant 600...

    Mais... dans ce cas bien précis... et de loin, il s'était fait dépassé par un « maître horloger » de jadis, l'auteur inconnu de cette merveille...  

    Toutes sophistiquées, qu'elles étaient, les tentatives de Tygrys se transformaient en échecs cuisants...

    Même après un acharnement de plus en plus musclé.

    Après qu'il eut cassé l'une ou l'autre précieuse piécette, maman avait violemment réagit en lui interdisant catégoriquement de toucher à son horloge !

    Cette intervention s'était clôturée par un silence hostile, et le froid visible qui s'installa entre les deux conjoints pendant quelque temps, nous priva ainsi de quelques autres décibels, résultant de l'atmosphère ambiante...   

    Ce n'était pas la première fois, d'ailleurs, que papa avait brillamment déclaré forfait.

    Étant récidiviste notoire, il se trouvait déjà sur la liste « noire » de quelques professionnels en cette matière.   

    Un jour, dans sa tête et sur la table de notre cuisine, il s'était mis à l'idée de réparer le « petit réveil mécanique de rien du tout »,

    budilnik 2

    initialement confectionné, avec un know how adéquat et à la chaîne industrielle, par le détenu d'un goulag lointain et profondément soviétique...

    Il avait décomposé le réveil en question, pièce par pièce.

    Comme un grand et sans jurer !

    Les dizaines de petites tiges, de ressorts, de vis, de « zebulons » et autres « minusculités » (le tout de la même couleur...) occupaient entièrement la surface de la table couverte d'une nappe cirée, joyeusement bariolée par des motifs multiples, plus menus les uns  que les autres.

    Après une heure environ, le petit réveil en état de marche, était de nouveau monté...

    - Kurdemol- Fichtre ! Mais c'est quoi ce qui reste encore sur la table ?! - s'écriait Tygrys...

    Démontage suivi de remontage.

    Trois piécettes de trop... Mais c'était déjà mieux que dans le cas précèdent...

    - Hmmm... Et si je mettais celle-là avant celle-ci - réfléchissait Tygrys à voix haute et de plus en plus dépité. - Il doit y avoir une astuce... Ce n'est pas possible... Hmm... - murmurait Tygrys cogitant.

     « L'astuce », en question, avait déjà chu par terre, sans faire le moindre bruit, sur notre lino d'une élégance sans pitié, car composé de paillettes multicolores y adroitement incrustées.

    A quatre pattes, à la loupe et sous l'œil afféré de papa, nous rampions en dessous de la table, des chaises et tout autre mobilier accessible, cependant hostile.

    Le bilan se montrait maigre : quelques bleus, quelques égratignures sur les genoux, une épingle de sûreté, - d'état : nul, - une aiguille à chas, une trombone tordue, un bouton à deux trous - parfois à quatre...

    Et à la fin... Maman avait remis « le tout » (en vrac) dans UNE « torebka papierowa »

    torebka papierowa

    - un sac en papier, pour l'emporter le lendemain, dès l'aube, chez le petit horloger de coin, Herr Schmidt, un ancien adhérant de la Wehrmacht, et « attardé » en Pologne après la guerre pour des raisons... plutôt obscures.

    - Was ist das, schöne madame ? - s'écria Herr Schmidt à la vue des menues piécettes éparpillées en nombre sur son comptoir propre et dégagé.

    - C'était... C'est un réveil, - balbutia maman absolument gênée.

    - Fous afez ein hund enragé ou des kinders non gut ! - grogna le professionnel en auscultant la carcasse éventrée de réveil.

    - Non, non ! C'était mon mari qui voulait le réparer et puis... - s'enfonçait maman.

    - Et qu'est qu'il vait donc comme métier ce brafe ?

    - Il est ingénieur métallurgiste... - avoua maman d'une voix inaudible.

    - Et bien, chère frau, dites-lui, que chacun possède une profession basée sur le talent, la vocation, les années d'expérience...

    C'est un DON. Ja, ja... C'est bon pour cette fois, mais au futur, c'est un bon conseil : qu'il ne se mêle plus jamais dans des affaires aussi délicates que l'horlogerie.

    obrobka stali 2

    http://www.youtube.com/watch?v=OPBYLDqUwQk

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :