• Pologne: Leur Heure

    LEUR HEURE

    Dans ma famille, les montres, horloges et autres réveils n'occupaient pas une place primordiale en ce qui concernait la « maîtrise » du temps.

    Maman fonctionnait  toujours par rapport à l'appel des cloches de l'église, suggérant tapageusement telle ou telle messe...

    Papa agissait par rapport au lever ou coucher du soleil en concordance avec les conditions météorologiques présentes...

    Mon frère, la tête dans les nuages, « marchait » à la boussole d'aviation

    busola lotnicza

    vers les endroits particulièrement intéressants et débordant de jeunes filles candides et peu farouches...

    Quant à moi, je suivais le « mouvement général » de la foule, mais surtout de maman, en veillant toutefois que ce soit à l'opposé de « son » église...

    Au début de son engagement à l'usine, papa avait eu l'occasion d'acheter (avec un crédit étalé sur trois ans) et « pour rien », deux montres totalement russes (étonnant, non ?) de marque « Zaria ».

    zarya zegarek 2

    L'une en version homme, et l'autre pour femme...

    Elles étaient en OR !

    Russe...

    D'une couleur peu noble et intensément orange, cette matière était artificiellement obtenue à l'issue du traitement de tonnes et de tonnes de poussière aurifère,

    piasek zloty 2

    récupérée avec précaution dans les carrières sibériennes, qui en regorgeaient.

    Le « beau petit ménage russe » restait bien enfermé, chacun dans son étui d'origine (faisant donc chambres à part), et était mis en marche, et sur les poignets de leurs heureux propriétaires uniquement pour des occasions chics, ou dans le but de faire baver l'un ou l'autre spécimen de l'entourage insistant pour intégrer le nôtre.

    L'achat de ces montres était une forme de « bon placement » d'un capital si difficilement cumulable...

    « Trois ressortissants d'un milieu très rural, à leur retour de « Hamerika » (Etats-Unis d'Amérique, tout simplement) au pays, se tiennent, tant bien que mal, à la table d'un débit de boissons alcoolisées dans le fin fond des Tatras...

    - Eh, oui... J'ai beaucoup bossé dans un abattoir à Chicago en rentrant et sortant des carcasses de bovidés congelées... mais... avec ce que j'ai gagné en trois mois, je me suis acheté une belle vache de race... Personne chez nous n'avait jamais eu une telle bête... Hélas, lorsque je l'ai rapatriée chez nous, elle avait disparu... - dit le premier.

    - Oh, moi, à Las Vegas, je nettoyais les casinos et balayais les rues... Après trois mois je me suis acheté une montre en or... C'était un bon placement, et puis, il n'y a personne chez nous qui en avait une pareille... Hélas, à mon retour elle avait disparu... - dit le deuxième.

    Le troisième, en regardant sa montre :

    - Bien... Bien... Bien... Comme c'est dommage ! Mais... Oh, la, la - il est déjà 14 heures 17 ? Bon, je vous quitte. Je suis en train de bavarder avec vous gaiement, alors que je suis en retard pour traire pour la première fois ma vache ! »

    De toute façon la vie dans notre immeuble commençait tôt, et derrière nos murs, nous entendions parfaitement les sonneries des divers réveils ainsi que d'autres bruits nous prouvant que nous sommes tous humains, et donc organiques...

    Le seul problème, c'est que les ouvriers se levaient, parfois, à 5 heures du matin pour commencer leur travail à 6 heures, et donc déjà une heure plus tôt que les ingénieurs. Or, parmi l'ensemble des cohabitants de l'immeuble, il n'y avait qu'un ingénieur, et c'était mon père.

    De temps en temps, « pracownicy fizyczni », - les travailleurs physiques, - respectaient, en plus, leur régime à pauses ...

    N'empêche...

    Tygrys parvenait toujours à arriver partout à la dernière minute, certes, mais à temps, à bout de souffle puisqu'au grand galop.

    Parfois, avec mon frère, nous avions un autre système de repérage dans le temps.

    Très astucieux...

    Tard dans la soirée (pendule et réveil en panne...), en regardant un film qu'on nous avait « strictement » interdit de regarder pendant l'absence de nos parents (et même en leur présence...), il suffisait de mettre à fond le disque avec une certaine « Delilah » de Tom Jones

    http://www.youtube.com/watch?v=sI5LWwC-cE8

    ou un autre morceau facilement détectable à l'oreille nue (très satisfaisant aussi...), pour pouvoir entendre immédiatement les cris fous furieux d'un voisin :

    - Hé, ho ! C'est fini, dis, « la-la » à 23 heures 20 ?! Mais vous êtes fous ?

    Déjà 23 heures passées !

    Vu l'heure, l'arrivée des parents est imminente : extinction de la téloche, de la lumière.

    Au lit !

    Grave erreur : ce que nous ignorions, triple hélas, c'est que Tygrys, en gagnant notre appartement (« profondément endormi »), se faisait, d'office, un plaisir fou de mettre sa main derrière le téléviseur pour y détecter la température encore élevée des lampes trahissant leur usage récent.  

    telewizor 2
          

     

     


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