• Pologne: Jaunes de voyage

    JAUNES DE VOYAGE

     


    Un, deux, trois... Puis cinq !

    Paires d'yeux noirs confondus dans ceux, jaunes, du maïs...

    Au travers d'un champ, là où nous nous étions arrêtés, des petites têtes noires apparaissaient comme des œufs de caviar jetés nonchalamment sur un blini...

    Leurs porteurs, l'un plus petit que l'autre, d'un aspect négligé, aux cheveux ne connaissant pas le peigne depuis la naissance de leurs « supports », tous « fumés », les clopes au bec encerclèrent étroitement notre voiture...

    Nous en avions déduit qu'ils la regardaient avec une convoitise certaine et une insistance douteuse.

    Ils nous laissèrent comprendre qu'ils voulaient des « roues ».

    Mais non, bonhomme, désolé, mais la voiture doit être complète pour rouler...

    Alarmé par nos débats multilingues, apparaît, quelques minutes plus tard, le chef du village en personne... trapu, musclé et garni à son sommet d'une barbichette tombante, comme celle d'un mâle caprin.

    bouc2

    Aïe.

    Cependant le baluchon crasseux qu'il tenait fermement dans sa grosse poigne abritait un quignon de pain et une bouteille de limonade chaude.

    Ensuite, il avait émis d'une voix autoritaire un souhait,  confirmant celui des enfants de s'emparer « des roues de notre voiture ».

    Avec un soulagement se manifestant sous la forme de quelques miasmes discrètement et instantanément déposés dans nos frocs, nous avons enfin compris, que le troupeau ne désirait rien de plus qu'exécuter un simple troc : en échange de leur pain, ils voulaient « nos cercles des jeux olympiques »

    logo jeux2

    - montrés par leurs doigts crados. Soit, le logo nickelé de la marque de « Waouw, dis... » représentant quatre cercles...

    logo audi 2

    Bien sûr, nous cédâmes à leur demande à l'aide d'un tournevis et partîmes dare-dare.

    Remarque : Neuf ans plus tard, je me suis trouvée à Budapest à l'occasion de la préparation d'une mission d'hommes d'affaires d'un "pays, d'au moins 360 bières et autant de dialectes, que de ministres, et où l'Union fait (pour l'instant!) la force" (contrairement à celle des Soviétiques...), où j'ai appris que son ambassadeur, en poste depuis quatre ans, avait déjà commandé quinze fois des logos pour sa Mercedes de fonction... (Benz 400 de 6 cylindres - vroum, vroum...).

    http://www.youtube.com/watch?v=7tGuJ34062s

    logo mercedes2

    Ensuite ces logos subtilisés, précieusement sciés et accommodés, devenaient des pendentifs « à la in » des « baba cool » locaux qui en faisaient le fier étalage de leur pacifisme aigu.


     peace 2
     

    Les douaniers tchécoslovaques de l'époque n'étaient pas des enfants du cœur...

    En fouillant avec soin et sans respect notre voiture, nos valises, les « moultes » sacoches et autres menus sacs en plastique déchirés, du genre « Epa », fortement odorants (tout de même... après cinq semaines...), dispersés en vrac et au diable,

    valises2

    ils n'en revenaient pas « qu'on puisse voyager sans le moindre argent tout en se pavanant dans une voiture luxueuse ».

    Nos faibles explications traduites simultanément en plusieurs langues s'avéraient hélas peu convaincantes car de toute façon elles demeuraient incomprises...

    On voyant leurs grosses paluches tâter et chiffonner, sans respect, nos effets personnels, je me suis fait la remarque amère que s'il y avaient deux professions, parmi les plus ingrates au monde, que je ne voudrais exercer sous aucun prétexte, c'était celle de  gardien de prison ou de douanier, déplaçant toujours les mêmes objets personnels, imprégnés des sécrétions organiques des touristes goûtant pour la première fois de leur vie à des cuisines à tolérance intestinale « zéro »...

    Je me souviens avec tendresse du désarroi amèrement vécu de mon père, « Tygrys », partant avec maman vers leur destination bulgaro-yougoslave préférée...

    http://www.youtube.com/watch?v=Ab_IE_eXyTQ&feature=related

    Déjà en avril, il sciait les manches des brosses à dents afin d'alléger son équipage et gagner de la place dans la petite Fiat 126p.

    Les objets y embarqués lui obéissaient rigoureusement (au même titre que les personnes de son entourage proche...) et se mettaient avec soumission dans toutes les parcelles dont cette « toto » en pouvait disposer.

    http://www.youtube.com/watch?v=LVKCRpOewco

    L'installation du bagage lui prenait quelques journées entières.

    Et tout ça pour parcourir une distance de 60 km. à peine, juste jusqu'à la frontière polono-tchèque, à Cieszyn, car là, après l'introduction d'un petit doigt douanier

    petit doigt2

    dans le tas soigneusement rangé, les affaires avaient l'air de se révolter en s'épanouissant par terre comme un airbag dans sa mission de sauvetage... 

    Et pour les rassembler de nouveau, il fallait encore un certain temps... juste pour déclencher une dispute conjugale dont l'objet principal était d'accuser maman du surplus si bien quantitatif que qualitatif de « bazars inutiles ». 

    **** 

    Le soleil se coucha et la température plus que clémente nous avait incité à dormir « pod chmurką » - sous les nuages - sous le ciel bien noir de la nouvelle lune...

    Près de la petite route, nous prîmes avec plaisir des places horizontales.

    Jasiu « z małą » - avec la petite dans l'habitacle de la voiture, et nous, « z Kasią », en pleine terre... comme des chicons en quelque sorte.

    Nous disposions de sacs de couchage bien étroits.

    jez2

    Repérant à une vingtaine de mètres de la voiture un sympathique creux, tapissé d'herbe douce (et pas de cannabis...) et épousant parfaitement nos formes, Jasiu nous avait enfermées (les bras à l'intérieur afin d'éviter les piqûres de moustiques) dans nos « cou-couches sacoches sarcophageuses » respectives.

    Il faisait encore bien noir, lorsque j'ai senti que quelque chose (?!) marchait sur moi...

    Puis d'autres « choses » se mirent à me passer dessus en travers...

    L'horreur de l'inconnu m'avait dressé les cheveux cachés dans un « capuchon protecteur » faisant partie de mon sac.

    Kasia était également « traversée »...

    Une sorte d'« hallucination » s'était déclenchée.

    Dans la pénombre totale, nous nous imaginions le pire, tout en essayant tant bien que mal d'identifier ces « marcho-cavalant », si pas, des « rampo-réptant » (!!!?) 

    D'une voix étranglée par la trouille bleue sous ce ciel goudronneux noir, nous appelions vainement Jasiu au secours - placidement endormi dans sa voiture « citron jaune » - la seule et unique tache claire, et donc bien visible.

    Nous luttâmes nerveusement, comme des chrysalides dans leurs cocons, pour pouvoir enfin libérer l'un ou l'autre membre considéré comme « tactile » et appartenant à nos corps emmaillotés...

    Cocon 2

     

    pour constater, qu'une famille nombreuse de hérissons...

    (Pas de photo - on sait à quoi ils ressemblent !) 

    se faisait un véritable festin (entre nos deux sacs de couchage...) en se gavant de petits champignons - « de rien du tout » - chétifs et incolores

    grzybek halucynogenny2

    soit, - "chétiflores" - qui poussaient un peu partout autour de nous, et qui, après un test organoleptique avancé, se sont retrouvés plus tard dans la matinée, dans notre poêlon chauffé sur un feu du bois.

    Ce repas n'était pas cependant que succulent...

    En nous trouvant tous, y la fillette comprise, immédiatement dans un état plus que "zen" et drôlement « décompressés », nous nous abstenions de toute reprise de la route.

    http://www.youtube.com/watch?v=HQy2HM4Ezao&feature=related   


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