• Pologne: Gloire de mon père

    LA GLOIRE DE MON PERE


    Mon père, alias Tygrys, non buveur de son état, était un cadre dynamique et prometteur dans une grosse usine sidérurgique, où il était chargé du contrôle de la qualité des aciers sortant.

    Soucieux de respecter la composition adéquate du produit ainsi que des bons procédés technologiques, il devait faire face à un alcoolisme ouvrier largement répondu.

    L'acier ordinairement bon - destiné à construire des bateaux, le quasi mauvais - pour les lames de rasoirs, et l'excellent (rarement) - pour les canons commandés en cachette par l'Irak, se côtoyaient. Le pire, c'était l'acier soumis à la destruction car déclassé !

    La simple chute d'un dormeur en état d'ivresse, se planquant « au chaud » près des fourneaux, dans la cuve de coulage, provoquait le déclassement de ces quelques milliers de tonnes d'acier...

    C'est gore, mais, hélas, vrai.

    La veuve recevait symboliquement un lingot... et mon père perdait la prime de fin d'année.

    Hormis ses activités au travail, il rationalisait certaines choses et les résultats de son imagination étaient immédiatement appropriés par un ou l'autre « jeune cadre », que le Parti comm avait désigné en qualité de poulain à promouvoir.

    Les brevets de mon père se succédaient, cependant à chaque fois, les retombées positives atterrissaient dans l'escarcelle de quelqu'un d'autre...

    Ainsi lui, il « bossait » des nuits entières en couvrant des feuilles et des feuilles de papier de ses formules magiques en mathématiques, mécanique, physique et chimie... un autre prenait les primes et les éloges...

    Cela frustrait énormément Tygrys mais il se taisait pour « le bien de notre famille ».

    Après quelques années de cette situation, les autorités politiques locales, en guise de remerciement pour le bouclage de sa gueule, le récompensèrent de ses efforts en le désignant pour participer « au train de l'amitié du peuple travailleur » - poyezd droujby, à Sverdlovsk (sans doute si loin, car la vie des participants à bord d'un train était moins chère que la dispersion joyeuse en « goguette » en ville). 

    Le choix de cette localité avait aussi un caractère persuasif.

    Sverdlovsk, ville d'un million d'habitants, était confinée près du massif de l'Oural sur la plaine de Sibérie, et dont la simple prononciation déclenchait la chair de poule chez les âmes sensibles des pays comms (certains si plaisaient - Sverdlovsk en était la preuve).

    Et en novembre ?!!!

    - Parce que, Tovarichtch-Camarade,  la vodka et le caviar restaient bien au frais, et le maquillage des femmes coulait moins...( les « poulains » comms partaient à Batoumi... et, en mai ).

    Selon ses propres récits, il n'avait connu que des plats miteux, suris et plutôt avariés, en buvant du tchaï (thé) à faire exploser le muscle cardiaque et pour avoir chaud. La vodka coulait cependant à flots...

    Quant aux femmes ( !? ) - il lui semblait qu'il y en avait certainement quelques unes (au pif), mais difficilement reconnaissables, car emmitouflées dans leurs « waciak » difformes (grosses vestes piquées de ouate pour tenir au chaud - de couleur « bleu de travail » ce qui confirmait aisément leur statut du monde des « mordus » bosseurs) et chaussées de ces immenses bottes en caoutchouc jusqu'aux genoux, sans  pointure précise, et pouvant par ailleurs servir à toute la famille.

    Tygrys, dans sa bonté, avait même emporté quelques paquets de chewing-gum à distribuer aux indigènes visités. Sa déception était totale parce que cette population avaient des problèmes de dentition et ce cadeau précieux devenait gênant, voir incongru.    

    Après ce voyage, et la vue de l'ensemble, mon Homme d'Acier ne revendiquait plus rien de la part de son Parti... pour se tourner vers la beauté de nature polonaise... et un contrôle encore plus sévère et serré de qualité des aciers sortant de son usine. 

    stalin2

    Son obsession professionnelle, basée sur les capacités de ce monde travailleur souvent beurré, l'avait rendu méfiant à l'égard de tout engin incluant dans sa structure de l'acier.

    Plus de voyages en train, ni en avion, pas de téléphériques, pas de câbles torsadés des ascenseurs...

    C'était tout juste qu'il se rasait encore...

    - Quand je pense qu'un idiot ou l'autre est venu au boulot avec la gueule du bois ou encore ivre de la veille... Et puis un autre (que moi ?) qui était au contrôle... Je préférerai encore qu'ils restent à la maison à couver !

     D'où slogan : "Il n'y a que les idiots qui manquent au boulot"

    polglowki

    Et c'est ainsi qu'il a opté pour l'achat de la voiture de ses rêves...

    Une légère... (600 kg.) et esthétique... berline - Trabant 600 -  une merveille est-allemande, presque entièrement construite en carton et en plastique. 

    trabant 2
     


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